Redéfinir le Partenariat UA-UE : Les perspectives des OSC, du secteur privé et des autorités locales

Préambule

Du 8 au 10 octobre 2018, Gaborone la capitale du Botswana, a abrité la réunion régionale africaine du Forum des Politiques sur le Développement (PFD). Le Forum des politiques sur le développement (PFD) est une plateforme multi-acteurs qui réunit des organisations de la société civile (OSC), le secteur privé organisé et les autorités locales (AL) de toute l’Afrique pour dialoguer sur des questions critiques de développement. Le PFD reconnaît la communication de la Commission Européenne de 2012 sur «Les racines de la démocratie et du développement durable», qui clarifie la définition des OSC dans toute leur diversité et leurs spécificités. Le PFD bénéficie de l’appui de la Commission Européenne et offre une plate-forme où les acteurs identifiés se réunissent avec les Etats membres de l’UE pour débattre des questions de développement. Le PFD régional est organisé sur une base tournante en plus d’une réunion mondiale annuelle.

L’édition 2018 du PFD-Afrique est axée sur les recommandations issues du Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Africaine (UA) et de l’Union Européenne (UE) de novembre 2017; la vision du cadre proposé pour l’après-Cotonou et a également passé en revue le thème de l’année de l’UA sur la lutte contre la corruption.

  1. Observations

Le PFD Afrique a été marqué par des discussions exhaustives sur des questions cruciales de développement et de gouvernance. A la fin des trois jours, le PFD a observé ce qui suit:

  1. Une relation mutuelle et équilibrée entre l’Union Africaine (UA) et l’Union Européenne (UE) est essentielle pour que les deux puissent jouer un rôle de premier plan dans la gouvernance mondiale, présentement et à l’avenir. Cependant, cette relation doit être davantage cultivée et exploitée efficacement pour un bénéfice mutuel et pour encourager des résultats significatifs.
  2. Le PFD en tant que plateforme multi-acteurs devrait être un modèle cherchant à faciliter le dialogue sur les questions transversales de développement et à soutenir les plateformes clés qui promeuvent le partage de connaissances et d’informations entre les deux continents.
  • Les changements climatiques représentent un véritable défi pour les deux continents et perturbent déjà les moyens de subsistance.
  1. Les inégalités croissantes sur les deux continents est une question de préoccupation politique et sociale pour une paix et un développement durables.
  2. L’Afrique a une population jeune qui peut être un dividende ou une explosion démographique. Cette population jeune manque souvent des compétences et aptitudes requises pour exprimer son ingéniosité et jouer le rôle qui lui revient dans le développement global de ses sociétés et de son continent d’une manière générale.
  3. L’existence et la mise en œuvre de cadres et de mécanismes institutionnels favorisant des systèmes de gouvernance efficaces font défaut et/ ou ne sont pas pleinement appliquées dans de nombreux pays. Ces pays affichent également très peu de volonté politique correspondante en vue d’introduire et de mettre en œuvre de tels systèmes.
  • Le développement au niveau national n’est pas inclusif et n’atteint pas tous les recoins du pays de manière à assurer qu’aucun citoyen ne soit laissé pour compte.
  • Le leadership joue un rôle fondamental dans la détermination de la trajectoire de développement des Etats. Les défis en matière de leadership de qualité peuvent être directement attribués à la lenteur du développement.
  1. La corruption et les flux financiers illicites sont préjudiciables à tout le monde, dans la mesure les ressources qui sont destinées à l’intérêt général d’énormes populations sont détournées à des fins personnelles. La réalisation globale à la fois de l’Agenda 2063 et des Objectifs de Développement Durable (ODD) est confrontée à des menaces existentielles et de réalisation en raison de la corruption généralisée.
  2. L’évolution du contexte mondial de la migration a de profondes répercussions sur les dynamiques socioculturelles. L’Instrument de Voisinage, de Développement et de Coopération Internationale de l’UE (NDICI) et le futur Pacte Mondial des Nations Unies sur la Migration offrent une excellente opportunité de réengagement sur ces questions.
  3. Le Plan d’Investissement Européen proposé pourrait contribuer au développement de l’Afrique. Cependant, l’implication du secteur privé local est demeurée jusqu’à présent limitée.
  • L’Accord de Partenariat de Cotonou de 20 ans, vient à terme en février 2020. Les prochaines négociations de l’accord post-Cotonou offrent une occasion unique pour la redéfinition du partenariat UA-UE.
  1. Recommandations

Dans un esprit de dialogue et de partenariat du PFD, les recommandations suivantes ont ainsi été formulées:

  1. Les futurs partenariats UA-UE, y compris les sommets biannuels des Chefs d’Etat et de Gouvernement, devraient adopter une approche multi-acteurs qui garantisse que la voix, les contributions et les priorités de tous les acteurs soient intégrées à tous les mécanismes. L’Union Africaine et l’Union Européenne devraient prendre des mesures pour s’assurer qu’elles s’alignent sur leur vision future de l’orientation du partenariat et de son impact.
  2. L’UA et l’UE devraient, de leur propre initiative, créer et soutenir des modèles de développement mutuellement bénéfiques, qui se traduiront directement par une nette amélioration du bien-être politique et socio-économique de leurs populations respectives. Ces modèles devraient inclure des cadres de développement qui adhèrent au principe SMART, et qui établissent des liens clairs entre les initiatives et leur impact.
  • Un engagement multi-acteurs et multi-niveaux visant à promouvoir une appropriation plus large et à renforcer la portée des acteurs locaux dans toutes les sphères de la société devrait être initié. Par conséquent, une approche PFD devrait également être mise en œuvre au niveau national pour assurer que les voix et les préoccupations importantes représentant la masse critique de sociétés soient correctement prises en compte.
  1. Compte tenu des défis persistants du changement climatique, le partenariat doit adopter une approche durable pour renforcer les interventions d’adaptation et d’atténuation à tous les niveaux. Le partenariat devrait également appuyer la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national, telles qu’elles sont prescrites et convenues aux termes de l’Accord de Paris.
  2. Le partenariat UA-UE devrait s’efforcer de faire délibérément de l’inclusion et de la justice un objectif prioritaire à tous les niveaux.
  3. Le partenariat UA-UE devrait accorder une plus grande attention à la réalisation d’investissements adéquats au profit de la jeunesse du continent, en la formant aux compétences requises, en offrant des opportunités et l’espace propice indispensable pour transformer le continent à une ère numérique et à une économie du savoir.
  • Le partenariat UA-UE devrait promouvoir des environnements propices qui encouragent la contribution de tous les acteurs en vue de construire des cadres institutionnels efficaces nécessaires à une gouvernance et à un développement efficaces sur tout le continent.
  • Le renforcement des structures locales et la promotion d’initiatives de développement inclusif devraient être au cœur des efforts nationaux visant à mettre en œuvre à la fois l’Agenda 2063 et les Objectifs de Développement Durable (ODD).
  1. Le partenariat UA-UE devrait promouvoir la mise en place d’institutions résilientes et d’un leadership capable, en mesure de produire des résultats de développement.
  2. Les efforts de lutte contre la corruption doivent aller au-delà des vœux pieux. Le partenariat UA-UE devrait faire progresser les efforts visant à utiliser les mécanismes existants pour lutter contre la corruption et les flux financiers illicites et, si nécessaire, encourager la création de nouveaux mécanismes.
  3. Le partenariat UA-UE devrait promouvoir une compréhension plus profonde des questions de migration et un narratif descriptif commun qui supprime la contestation innée entre les points de vue opposés sur la migration, perçue d’une part comme une question exclusivement de sécurité et d’autre part une question multidimensionnelle des droits de l’homme.
  • La mise en œuvre du PEI devrait créer un environnement commercial favorable fondé sur un dialogue structuré entre toutes les parties impliquées, y compris le secteur privé local, afin de garantir des avantages mutuels ainsi qu’un développement économique inclusif.
  • Les négociations relatives à l’accord post-Cotonou devraient être entreprises d’une manière opportune et tenir compte des enseignements tirés de la mise en œuvre de l’accord initial de 20 ans, ainsi que de la dynamique et des réalités changeantes des parties signataires. Les pays africains doivent ancrer leurs négociations dans les visions et objectifs généralement adoptés, notamment l’Agenda 2063, l’Agenda 2030 et la Zone de Libre-Echange Continentale (ZLEC) pour l’Afrique, et élaborer la meilleure stratégie pour les réaliser.

 

  1. Conclusion

Le PFD-Afrique était un point de ralliement pour faire avancer le dialogue sur le développement et la gouvernance entre les acteurs clés. Le Forum, à l’instar des autres éditions précédentes, a connu la participation active, entre autres, des institutions régionales, des syndicats, des fondations, de la diaspora, d’organisations de la société civile et du secteur privé organisé.

Le forum a fourni aux partenaires pertinents une plate-forme pour renforcer les engagements en faveur de relations mutuellement acceptables et bénéfiques entre l’Union Africaine (UA) et l’Union Européenne (UE). A cet effet, le Forum a relevé que les lacunes identifiées au sein des cadres de travail actuels tel qu’ils sont constitués demeurent sujets à un engagement accru avec les acteurs pertinents car le débat demeure permanent pour améliorer les relations futures et promouvoir des sociétés plus sûres, plus justes et plus équitables pour tous.