Profil-Diabate Mamou Bamba : Celle qui prône la transparence en mettant en œuvre le budget participatif
La corruption est un phénomène qui touche les différentes échelles de gouvernance : internationale, nationale, régionale et locale. La lutte contre ce phénomène nécessite l’implication des différents types d’acteurs, au premier rang desquels les dirigeants des collectivités territoriales.
Au Mali, l’année 2018 a vu le lancement de la première édition du concours de transparence du Programme Gouvernance Locale Redevable (PGLR). Trois communes ont été primées courant avril 2018. Il s’agit de la Commune de Ouenkoro 1e (région de Mopti) dont le maire est Cheick Harouna Sanakre, la commune de Dialassagou 2e (région de Mopti), avec comme maire Harouna Guindo et enfin la Commune de Pelengana 3e (Région de Ségou), dirigée par Madame Diabaté Mamou Bamba.
Sur les 90 communes ayant postulées, Pelangana fut la seule ayant à sa tête une femme. Réélue maire en 2016 pour un second mandat, Mme Diabaté Mamou Bamba a pris l’habitude de procéder à une gestion participative au sein de sa commune. Le concours de transparence du PGLR a servi de vitrine à l’édile pour recevoir la reconnaissance de ses pairs.
Ce n’est pas pour autant que vous verrez madame le maire se tresser les lauriers. Réservée et attentives aux présentations lorsqu’elle prend part aux évènements, Mme Diabaté laisse ses actes parler pour elle. Lors de la réunion stratégique régionale de CGLU Afrique pour le région Afrique de l’ouest tenue du 29 au 30 mai 2018 à Accra (Ghana), c’est le directeur exécutif de l’Association des Municipalités du Mali (AMM), M. Youssouf DIAKITE, qui a partagé la bonne nouvelle de son sacre avec l’assistance.
Le président de l’AMM, M. Babacar Ba est tout aussi fier de sa collègue lorsqu’il nous lance avec assurance : « Elle vous partagera son expérience avec brio ».
Elle ne le fera pas mentir. A notre micro, nous avons affaire à une dame qui maitrise son sujet. Foulard noué à l’avant, Madame le maire donne les détails de la mise en œuvre du Programme d’Appui à la Décentralisation et à la Réforme de l’Etat (PADRE), dans sa collectivité.
«Ce programme comporte six axes. Il faut élaborer un plan d’action de mobilisation des ressources de la communauté. Ce plan est fait en impliquant les différents acteurs de la commune : membre de la société civile, les chefs de villages, les femmes, les services des impôts, les services du trésor, les jeunes », explique –t-elle.
Le deuxième axe consiste à procéder au recensement de la matière imposable avec les mêmes acteurs. Ledit recensement s’effectue à l’aide d’un logiciel, puis vient la distribution des avertissements individuels à la population. Tout ce beau monde se donne ensuite rendez-vous lors de la journée citoyenne. « Au cours de cette journée, tout le monde est obligé de venir payer. Les personnes influentes à savoir, les maires, les préfets viennent payer devant les autres habitants du village. Ils montrent ainsi le bon exemple et la population prend cela au sérieux ».
La commune rurale de Pelengana, située dans la région de Ségou compte près de 56 269 habitants (2009). Chaque trimestre la revue des taxes est faite, cette revue représente l’axe 5 du programme est faite. Cette action s’opère chaque trimestre et consiste à convoquer les différents acteurs et dresser l’état des lieux de la collecte des taxes. C’est l’occasion de demander « aux chefs de villages les difficultés qu’ils rencontrent pour le paiement des taxes. Lorsque le chef de village expose ses difficultés, ensemble on voit ce qu’on peut faire et on donne une solution », dit-elle.
Le point culminant du processus est la restitution publique qui se fait lors du troisième trimestre. En présence des populations mais aussi des institutions. «Au 3ème trimestre d’une année n, on fait la restitution publique de l’année n-1. On présente les taxes recouvrées et ce que la collectivité a pu faire avec ces taxes. On y convie à nouveau les autorités, quelques ambassades telle que celle des Pays Bas et de l’Allemagne que nous avions invitée en 2016. Nous avions aussi convié l’AMM et les collègues maires », se souvient la titulaire du diplôme de technicienne supérieure des Eaux et Forêts depuis 1984 .
Une vraie leader
Pour être primé au concours de transparence, la commune a montrée en détails l’usage qui est fait de l’argent des citoyens. Le jury a effectué une descente sur le terrain, non pas pour évaluer le travail d’une année, mais «la gestion des trois années précédentes ». C’est dire qu’il fallait être fin prêt pour se distinguer parmi les 90 communes sur les 180 qui font partie du programme.
« Les membres du jury ont constaté que la commune faisait de la restitution publique. Il y avait des procès-verbaux de réunions, des procès-verbaux de restitutions publique. Lors de l’élaboration du budget on faisait participer la population. Ils ont vu que rien n’était fait dans la commune sans la population. Ils ont vu une implication des différents acteurs, élus, chef de village et population dans la vie de la collectivité », assure Madame Diabaté.
Selon elle, le premier prix a échappé à sa commune car «le taux de mobilisation des ressources n’a pas atteint 90% ».
Par ailleurs, elle se réjouit d’être un produit du Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique (REFELA) en ce qui concerne la formation en budget participatif. Formation qui a été à la base de l’instauration d’une gestion inclusive de sa mairie. « J’ai pu faire la formation sur le budget participatif avec le REFELA en Tunisie en 2013. J’ai mis cela en application dans ma commune. Ça été un facteur important et déterminant dans la distinction de ma commune », reconnait-elle.
Le REFELA qui est la commission genre de CGLU Afrique peut compter sur sa représentante au Mali pour partager son expertise. En effet, l’élue locale est dans une vision large avec en ligne de mire la devise « former pour former ». Sur le terrain, elle est déjà à pied d’œuvre pour faire d’autres communes des vitrines de développement économique comme la sienne.
« Je lance un appel à mes collègues maires, de toujours aller vers la mise en place du budget participatif, parce que la confiance ne vient pas tant qu’il n’y a pas de critères de confiance. Comment on peut prendre l’argent des contribuables et puis on ne leur montre pas comment leur argent a été dépensé ? » s’interroge-t-elle. Avant de poursuivre : « Il faut partager l’information. C’est ce qui manque en Afrique. Je lance un appel aux femmes maires de partager leur expérience. Au Mali, j’accompagne les femmes maires à la restitution publique. J’ai été dans la commune de Gadougou 2 dans le cercle de Kita, c’était la première fois depuis la décentralisation qu’il y avait eu une restitution. La population pensait que l’argent collecté dans la commune allait directement au cercle à Kidal. Ils ont vu après cette la restitution publique que c’est avec leur argent qu’on paie le personnel, c’est avec leur argent qu’on paie 10% que les partenaires demandent pour les investissements. Cette année j’ai posé la question au maire, elle a dit qu’on premier trimestre elle est déjà à 50% de mobilisation des ressources ».
Biographie
Mme Diabate est décrite comme «une femme battante avec une grande expérience qui lutte inlassablement pour l’émancipation et l’autonomisation des femmes du Mali », par le site d’information Mali Web en 2016. Elle a été désignée personnalité de l’année en 2013 par la presse locale. Elle a eu a occupé des postes tel que Secrétaire à la formation du bureau de l’Association des municipalités du Mali ; présidente de la Commission technique paritaire de Lux Développement dans la région de Ségou ; Représentante du Réseau des Femmes Elues Locales du Mali et du Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique de l’ouest (REFELA).
Le budget participatif est un outil puissant dans la lutte contre la corruption au niveau local, car les citoyens et les élus sont au centre du processus. Dans l’optique de pérenniser la formation des leaders des collectivités territoriales, CGLU Afrique a décidé de structurer le volet renforcement des capacités des élus locaux à travers l’opérationnalisation depuis 2016 de l’Académie Africaine des Collectivités Territoriales (ALGA). Le collège du budget participatif est une des offres de formation de l’académie. Une première session de formation a eu lieu à Ouagadougou au Burkina Faso du 27 février au 1 mars 2018 .
A noter qu’au Mali, le Programme Gouvernance Locale Redevable (PGLR) lancée en 2015 pour une période de 6 ans est financé à hauteur de 16.77 millions de dollars par l’ambassade du Royaume des Pays-Bas. L’objectif global du programme est la contribution au développement des services sociaux de base par l’amélioration de la gestion des affaires publiques locales, à travers la mise en marche d’un mouvement pérenne (une culture) de Jeunes citoyens et citoyennes actifs et engagés dans la gouvernance ; par le relèvement du niveau de redevabilité des autorités locales et des Organismes de gestion des services publics dans la gestion des fonds et des services publics.