Et si on parlait des Capitales Africaines de la culture, de Décentralisation financière et localisation des ODD 5 et 11

Du 11 au 15 novembre 2019, Durban (Afrique du Sud) a abrité le sommet mondial des dirigeants locaux et régionaux. Plus de 3000 participants ont pris à part à cet évènement organisé tous les 3 ans par Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU).

Durant les cinq jours de travaux, CGLU Afrique a apporté une contribution significative à travers l’organisation et la participation à une vingtaine de sessions. Les élus locaux et régionaux africains fortement mobilisés par CGLU Afrique ont pris part aux débats et partagé leurs expériences sur les thématiques liés à la finance locale, l’urbanisation, l’égalité de genre, la migration, le capital humain, les politiques culturelles, la mobilité, le climat, le financement du développement des territoires et les jeunes élus locaux.

« La culture est au début et à la fin de tout développement », Mme Soham El Wardini, maire de Dakar, Sénégal

Nous vous proposons un passage en revue des moments marquants des sessions de l’Afrique Locale. (Deuxième partie).

Présentation du programmes « Les capitales Africaines de la Culture »

Le 12 novembre 2019, la session « les politiques publiques pensées depuis la culture », co-organisé par CGLU et CGLU Afrique lors du Sommet mondial des dirigeants locaux et régionaux a servi de cadre pour la présentation du programme «Les Capitales Africaines de la Culture (CAC)». La création de ce programme par CGLU Afrique a pour objectif la structuration, l’autonomisation et la mise en réseau des acteurs culturels du continent africain pour développer un écosystème public/privé qui sera culturellement autonome mais économiquement sain, durable et viable. L’ambition du programme est d’affirmer et promouvoir l’identité culturelle du continent et la réappropriation culturelle par les Africains eux-mêmes.

Les CAC ont été adopté lors du dernier sommet Africités 8 à Marrakech (Novembre 2018). « Dans tous les domaines de la transition, l’Afrique est la clé de l’avenir. Célébrer la culture africaine dans le réseau des capitales, c’est encourager et organiser des solutions basées sur la culture urbaine singulière. Rendre à l’Afrique la conscience de son pouvoir créatif», a expliqué dans sa présentation M. Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU Afrique.

Chaque 3 ans se célèbrera Les Capitales Africaines de la Culture qui mettra en avant dans la ville capitale africaine de la culture, les particularités de la culture africaine ; et dans les villes sœurs les particularités de la ville capitale africaine de la culture. Une capitale africaine célébrera l’Afrique et l’Afrique célèbrera cette capitale africaine. Le lancement du programme se fera avec « Marrakech 2020». Toutes les villes africaines peuvent alors être partenaire chaque trois ans en soutenant les artistes et les acteurs culturels de leur territoire. Le programme est basé sur le modèle du partenariat public–privé en terme de structuration de l’initiative et de financement.

CGLU a rappelé la décision prise par les villes de faire de la culture, le 4e pilier du développement des collectivités territoriales. C’est dans ce sillage que s’inscrit la contribution de CGLU Afrique en particulier dans la communauté des praticiens du programme Agenda Culture 21 de CGLU.

« Les Capitales Africaines de la culture sont une magnifique initiative qui est très proche de notre programme de renforcement de capacité. Nous allons soutenir cette initiative », M. Jordi Pascual, coordinateur de la Commission Culture de CGLU.

Mme Soham El Wardini, Maire de Dakar, a présidé la session qui a compté avec des discours sur l’importance des droits culturels dans le développement local, par Mme Mariana Flores représentante de la Ville de Mexico, la présentation des résultats du programme de Villes Pilotes dans la Ville d’Izmir (Turquie), par M. Onur Eryüce, et la présentation du Forum Mondial Culture et Jeunesse de Jeju, par M. Chae Jong Hyub, Directeur de la paix et des affaires internationales de la ville de Jeju.

Le rôle des collectivités territoriales africaines en matière de financement

La journée du 13 novembre 2019 a été marquée par le circuit assemblée. Chaque section de CGLU devait piloter une session liée à une thématique prioritaire pour elle. Le «circuit assemblée» dirigé par CGLU Afrique a porté sur la décentralisation et les finances locales. La rencontre a été présidée par M. Léandré Nzué, Maire de Libreville et président de CGLU Afrique.

M. Philippe Heinrigs, économiste de l’OCDE a premièrement traité de la situation de l’urbanisation en Afrique. De son exposé il ressort que pour relever le défi de l’urbanisation galopante sur le continent il ne faudra pas se pencher exclusivement sur le cas des grandes villes. En effet, d’ici à 2050 l’Afrique sera le continent le plus peuplé et plus de 2/3 de la population vivra dans les villes. Relever le défi de l’urbanisation passe par la prise en compte des villes intermédiaires qui constituent le futur du continent et la prise en compte également des communes rurales.

Le constat est clair qu’assurer l’accès des populations aux services de bases et gérer l’urbanisation demande des financements conséquents. La ville de Johannesburg a partagé son expérience en matière d’emprunt obligataire en vue de financer les grands projets de construction. « Johannesburg est une grande ville en Afrique qui fait face au challenge de la migration. C’est une ville cosmopolite où on retrouve plusieurs nationalités africaines. La croissance urbaine a donc une plus grande ampleur. C’est la ville qui a le plus grand bidonville du pays, Soweto. La question du changement climatique nous a conduit à aller sur le marché financier. Nos besoins en infrastructures étaient énormes », explique M. Geoff Makhubo, conseiller de la ville Johannesburg (NDLR, Nouveau maire de Johannesburg depuis le 4 décembre 2019).

En Afrique du Sud, le modèle de financement est national. La plupart des taxes sont collectés directement par le gouvernement central avant d’être par la suite transférées aux collectivités. Pour pallier à l’insuffisance des ressources, la ville de Johannesburg a effectué son premier emprunt obligataire municipal en 2004, ce qui a permis à la ville de devenir très attractive pour les investisseurs. Le premier emprunt obligataire s’élevait à 10 millions de dollars. «Au fil des années nous avons effectué environs 9 à 10 emprunts obligataires. Le premier emprunt obligataire concernait les infrastructures vertes, les infrastructures résilientes. Il y a des risques d’aller sur le marché financier. L’un des risques est si vous ne générer par des revenus suffisants pour garantir le remboursement du prêt », revèle M. Makhubo.

Au-delà de l’investissement dans les infrastructures, il préconise de placer la population au cœur du processus. Créer des villes où les gens peuvent vivre en cohésion, car ce sont les populations qui vivent dans les villes. « Nous ne devons plus dépendre du transfert des ressources financières, les villes doivent être capable de créer des moyens qui leur permettent de collecter les taxes. Elles doivent avoir les habilités de le faire et de bien gérer ces ressources en rendant compte aux citoyens. CGLU Afrique doit sensibiliser les Etats Membres de l’Union Africaine là-dessus » plaide M. Makhubo.

En Mauritanie, Mme Fatimetou Abdel Malick, Présidente du conseil régional de Nouakchott a expérimenté une application de collecte de taxe dans la commune de Tevragh Zeina où elle a été maire durant 17 ans. Le but de l’application était d’améliorer l’assiette fiscale. La mise en œuvre a demandé un consensus en amont et des moments de sensibilisation auprès des populations en particulier les commerçants.

La première étape a consisté à recenser les différents contribuables. Cela a pris 2 mois. L’application a permis de tripler la recette de la commune et conduis à la réduction de certaines inégalités. Notamment au niveau de l’éducation et du service social. «Les citoyens ne payaient pas à la taille de leur activité commerciale. A travers cette application, on a pu rétablir l’ordre », confie Mme Fatimetou Abdel Malick.

Pour réduire les fraudes, la fiche du contribuable est codifiée. « Certains échangeaient des fiches, avec l’instauration du code barre on a résolu ce problème. Il y’avait aussi une réutilisation des timbres, la codification des timbres a également résolu ce problème de double usage. Comme résultat, nous avons enregistré une efficacité de 72.5% dans le recensement et le recouvrement», a expliqué la présidente du conseil régional de Nouakchott.

Cette pratique inspirante peut être adaptée par d’autres collectivités territoriales pour une collecte plus efficace des taxes fiscales.

Le REFELA en action pour la localisation des ODD 5 et 11

Le Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique (REFELA) a organisé une session le 14 novembre 2019 sur la localisation de l’ODD 5 « égalité entre les sexes » et l’ODD 11 « villes et communautés durables ».

La session a été présidée par Mme Macoura Dao Coulibaly, Présidente du REFELA. Le Panel était composé de Mme Fatna el khiel, Vice –présidente REFELA pour la région Afrique du Nord, Mme Maria Elena Langa, Présidente du REFELA Mozambique, M. Armand Béouindé, Maire de Ougadougou (Burkina), M. Émile Gros Raymond Nakombo, Maire de Bangui (RCA), M. Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU Afrique, M. Frédéric Vallier, Secrétaire Général du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE) et Mme Malika Ghefrane Giorgi, Conseillère Spéciale du REFELA qui a assuré la modération.

Les échanges ont permis de mettre en exergue le rôle prépondérant des femmes et des femmes élues locales en particulier dans la localisation des ODD. L’approche prônée par le REFELA pour l’atteinte des ODD passe par la mise en œuvre des 3 campagnes portées par le réseau dans son plan d’action 2019-2021.

· La Campagne des Villes africaines sans enfants en situations de rue (ODD11),

· La Campagne des Villes africaines à zéro tolérance face aux violences faites aux femmes et aux filles (ODD 5),

· La Campagne des Villes africaines favorables à l’autonomisation économique des femmes (ODD5 et 11).

Les panélistes ont souligné les progrès réalisés par le REFELA depuis sa création en 2011. Dans le volet partenariat, M. Frédéric Vallier, Secrétaire Général du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE) a salué le projet en cours de rédaction de la « Charte des collectivités locales pour l’égalité de genre en Afrique ». Projet qui s’inscrit dans la cadre de la mise en œuvre du « Pacte Europe-Afrique de Marrakech pour l’égalité locale » établit par REFELA-CGLU Afrique avec CCRE-Platforma-Section Europe et l’organisation mondiale CGLU, lors de la 8ème édition du Sommet Africités de Marrakech, (20 au 24 novembre 2018).

Le sommet mondial des dirigeants locaux et régionaux a connu une forte mobilisation des femmes du REFELA qui ont également tenues des sessions de travail avec leur homologues d’Europe et d’Asie Pacifique.

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