Quand les mains des femmes deviennent un levier de développement local

Il est 10h du matin, nous nous trouvons au cœur du site de Fendak Chejra à Tanger, plus spécifiquement dans le centre d’appui à l’économie sociale et solidaire qui abrite 7 coopératives.

Sur place, une grande porte permet un accès facile au local.  Saida Bahi, présidente d’une coopérative féminine pour la création de produits cosmétiques naturels, nous reçoit chaleureusement dans son local.

Ici, l’ambiance est joviale, et dans  la salle, émanent différentes odeurs naturelles des produits cosmétiques.

Assise sur une chaise, le sourire sur le visage, Saïda commence à nous raconter son histoire : « Depuis que j’ai fait mes études en biochimie, l’idée de créer une coopérative féminine pour les produits cosmétiques bio est devenue un rêve pour moi. Dieu merci, j’ai pu le réaliser l’avant-dernière année ».

La coopérative féminine pour les produits cosmétiques, Saida en train de vendre ses produits bios à une cliente. Crédit photo : Ahlam Ghajjou

Ayant remporté le prix National  «Lalla Al Moutaaouina» pour la meilleure idée de développement d’un projet coopératif féminin, la coopérative présidée par Saida est devenue un exemple de réussite au féminin au niveau national en deux ans seulement.

Malgré ce succès, Saida ne nous cache pas que la crise sanitaire a frappé de plein fouet le secteur dans lequel elle travaille : « Nous avons été très impactées par la crise, nous étions incapables de commercialiser nos produits parce que les coopératives se basent sur le système de la vente directe avec les clients ».

Elle ajoute : « La commercialisation des produits est la bête noire des coopératives. Même si nous avons bénéficié de formations dans le marketing électronique, nous n’avons pas pu implémenter ce qu’on a appris sur le terrain. »

Sur ce sujet, nous avons sollicité Jamal Nowass, le directeur de l’Office du Développement de Coopération (ODCO) de Tanger, il nous affirme : « La plupart des coopératives ont mis la clé sous la porte pendant le confinement puisqu’elles n’ont pas pu commercialiser leurs produits sur les réseaux sociaux. ». Il conclut : « Il faut former des unions des coopératives féminines pour lancer un grand réseau de commercialisation et de marketing ».

Face à ces propos, nous avons contacté Karima Habibi, la présidente du département de l’économie sociale et solidaire au Conseil de la région de Tanger Tétouan Al Hoceima (CRTTA). Elle nous déclare : « Le CRTTA a lancé plusieurs programmes qui ont pour objectif de développer les coopératives, je cite notamment le projet de e-commerce, qui vise à soutenir les coopératives féminines et les aider à commercialiser leurs produits. Pour son impact, je ne peux rien vous confirmer car le projet est encore en cours d’exécution. »

En effet, le Conseil régional et l’ODCO ne sont pas les seuls à déployer des efforts dans ce sens, la société civile, elle aussi, se mobilise afin d’assurer des programmes de formations au profit des coopératives féminines.

Fathia Saidi, la secrétaire générale de l’association de l’Union de l’Action Féministe (UAF) de la section de Tanger nous déclare : « Les femmes membres des coopératives participent au développement économique et social, elles créent des postes de travail et valorisent les ressources locales. A travers nos formations, nous visons à les fédérer autour de leurs droits à l’égalité des chances, aux valeurs de la solidarité et à l’accès aux ressources ».

Souad Terraf, co-fondatrice d’une coopérative de tissage est l’une des bénéficiaires des formations assurées par l’UAF. Elle a commencé comme apprentie il y a 15 ans. Direction, son atelier de tissage, où Souad se sent pleinement à sa place : « Quand je termine mon travail, je me sens très fière d’avoir fabriqué un produit 100% local qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs. »

Souad Terraf en plein travail à la coopérative de tissage, Les mains de Souad Terraf en train de tisser, Crédit : Ahlam Ghajjou

A l’intérieur du local, le bruit de la machine du métier à tissage mêlée à l’odeur fraîche de la pièce crée une mélodie singulière. Souad affirme : « Chaque année, plusieurs femmes adhèrent à notre coopérative, et notre engagement a porté ses fruits ; nous avons pu participer à des expositions au niveau national et international, et les femmes adhérentes ont pu prendre en charge leur familles grâce à leur travail ici dans la coopérative ».

Les Marocaines sont de plus en plus nombreuses à adhérer aux coopératives pour exercer des activités génératrices de revenus, faisant ainsi croître le nombre total des coopératives des femmes à 6000 en 2022 alors qu’elles étaient seulement 1756 en 2013.

Les mains de ces femmes se révèlent être non seulement un moteur du développement local et du changement social, mais elles ouvrent également aux adhérentes de nouvelles portes et les mènent vers une évolution de leurs activités et de leur statuts.

Ahlam Ghajjou