FIMA 2022 : Table ronde autour de la protection des œuvres et la propriété intellectuelle
La 14ème édition du FIMA, le Festival international de la mode en Afrique, s’est tenu du 7 au 10 décembre 2022 au site historique de Chellah dans la ville de Rabat, désignée capitale africaine de la culture jusqu’en mai 2023 dans le cadre du programme « Capitales africaines de la culture » initié par CGLU Afrique.
Le festival, fondé par le styliste nigérien de renommée internationale et artiste pour la paix de l’UNESCO, Alphadi, était placé sous le thème : « La Synergie des Cultures pour le Développement de l’Afrique ».
Lors de la 4ème et dernière journée du FIMA, une table ronde a été tenue autour du thème « Protection des œuvres et propriété intellectuelle ». Modérée par la journaliste culturelle Hortense Assaga, cette rencontre a vu l’intervention de :
Lotfi Aoulad, chef de programme à l’UNESCO pour la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles
Catherine Laski, directrice générale du Magazine Black Beauty Celebrities
Anne Grosfilley, docteur en anthropologie et spécialiste de la mode et des textiles d’Afrique
Les panelistes ont souligné la nécessité pour les créateurs d’être informés sur leurs droits de propriété intellectuelle, à travers par exemple l’ajout d’un module à ce sujet dans les filières de formation. Ils ont également affirmé que le coût du dépôt reste un frein à la protection des créations auquel il faut remédier pour que tous les créateurs puissent exercer leurs droits, surtout dans ce « monde globalisé où l’appropriation culturelle fait débat, et dans lequel il faut protéger pour être reconnu », selon l’anthropologue Anne Grosfilley.
La relation artisan-créateur a également fait partie du débat au cours duquel a été relevée l’importance d’un retour économique pour l’artisan et la valorisation de son travail afin d’éviter la copie.
La restitution d’œuvres d’art africaines fait polémique depuis quelques années, mais il a été signalé qu’il n’y a pas assez de polémique autour du tissu wax africain produit en Chine ou en Hollande qui inonde le marché de l’Afrique pendant que les usines du continent font faillite. Les panélistes ont non seulement affirmé que cette chaîne de production doit être reprise depuis le début, mais qu’il faut également sensibiliser les consommateurs à la nécessité de s’informer sur l’origine de leurs vêtements pour les encourager à acheter local.
Ce panel a aussi été marqué par la participation de Monceyf Fadili, auteur du livre « Rabat, un printemps confiné » qui a énuméré les 10 recommandations suivantes pour la protection des œuvres et la propriété intellectuelle en Afrique :
1. Faire de la protection du patrimoine en général et des œuvres en particulier une priorité des politiques culturelles en Afrique.
2. Développer un cadre de valorisation, d’appropriation et de protection à travers des politiques publiques volontaristes en faveur du patrimoine culturel en Afrique.
3. Engager un large processus de sensibilisation et de mobilisation à travers l’éducation.
4. Protéger le capital culturel africain et sa propriété de toutes les formes de détournement et de pillage, notamment dans les zones de conflit et post-conflit.
5. Encourager toutes les formes d’intégration de la production artistique et artisanale, notamment en direction du secteur informel, par la création d’un fonds de développement dédié, en particulier à l’attention des femmes comme porteuses de projet.
6. S’appuyer sur l’ensemble des acteurs et parties prenantes à la production artistique et artisanale, et à sa promotion, notamment par les acteurs institutionnels, les représentants des métiers, les élus locaux et la société civile.
7. Promouvoir un cadre de protection et de valorisation à travers la labellisation et la reconnaissance par l’inscription des productions performantes au patrimoine national.
8. Favoriser l’accès aux technologies de l’information et de la communication, pour produire, commercialiser, vendre, échanger et promouvoir.
9. Eriger les musées en espace de vocation dédié au recensement, à la valorisation et à l’appropriation du patrimoine culturel et artistique.
10. S’appuyer sur les instances internationales en matière de développement pour la mise en place et l’adoption de cadres normatifs harmonisés entre les Etats Membres à l’échelle du continent africain.
Pendant les quatre jours du FIMA, créateurs, stylistes, modélistes et acteurs de la mode en Afrique, ont échangé leur expérience, trouvé de nouveaux partenaires et multiplié les contacts à travers un programme de concours, d’expositions de peinture, de textiles africains et de créations, de tables rondes autour de différentes thématiques liées à la culture, et de défilés de mode qui ont représenté 32 pays africains ainsi que les cinq continents.