« La corruption doit être éradiquée en premier au niveau local », Jean Pierre Elong Mbassi

CGLU Afrique a participé activement au Forum des Nations Unies sur la Fonction Publique du 21 au 23 Juin 2018 à Marrakech, Royaume du Maroc. Le forum organisé autour du thème : “Transformer la gouvernance pour la réalisation des objectifs de développement durable », a vu la participation de 800 personnes de 165 pays dont 44 ministres.

Au cours de la deuxième journée du forum, le Comité Technique Spécialisé N°8 de l’Union Africaine sur la Fonction Publique, les Collectivités Locales, le Développement Urbain et la Décentralisation (CTS N°8), en partenariat  et avec l’appui du Département des Affaires Economiques et Sociales des Nations Unies (UNDESA), du Ministère chargé de la Réforme de l’Administration et de la Fonction Publique du Royaume du Maroc, de l’Organisation Islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture (ISESCO) et de Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique (CGLU Afrique) ainsi que de son Académie Africaine des Collectivités Territoriales (ALGA), ont organisé un «Side Event»  sur le thème : «Transparence, Intégrité et Lutte contre la Corruption : une exigence clé pour la réalisation du Développement Durable».

Dans son message d’ouverture de la rencontre, M. Jean Pierre ELong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU Afrique a insisté sur le fait que «la corruption sali l’image des autorités locales. Il s’agit de restaurer le respect et la confiance entre les élus locaux et la population. Nous sommes ici pour prendre des engagements pour éradiquer ce fléau, qui rend l’Afrique incapable de réaliser le développement escompté. La corruption détruit le sens des efforts des jeunes. Cette question doit être éradiquée en premier au niveau local », a –t-il déclaré.

Dans une salle comble, le ministre ougandais de la Fonction publique, S.E Wilson Muruli Mukasa a invité les participants à faire des recommandations concrètes.

Le premier panel a traité des « Instruments Internationaux et Africains concernant la lutte contre la corruption, la promotion de la transparence et de l’intégrité :  Rôles, Responsabilités et Engagements ». Madame Susanne Kuehn, Conseillère Technique Principale, Anti-corruption et Renforcement du Système National d’Intégrité, PNUD a présenté la Convention de l’ONU contre la Corruption et l’ODD 16 « Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes à tous aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous ».

Monsieur Mohamed Boussraoui, Directeur des programmes à CGLU a quant à lui abordé l’appui à la mise en œuvre de l’ODD 16 au niveau de l’organisation mondiale des élus locaux. Un groupe de travail sur «la transparence et la responsabilité » s’occupe de cette question. Dans le processus de localisation des ODD, CGLU a élaboré une série de vidéo explicative des ODD dont une sur  l’ODD 16,  réalisé en partenariat avec le PNUD. « La corruption est un obstacle sérieux à l’égalité » soutient Mohamed Boussraoui.

Au niveau africain des instruments juridiques existe également en matière de lutte contre la corruption (la Convention africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, de la Charte africaine sur le Service Public et la Charte Africaine sur les Valeurs et Principes de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale et du Développement Local). D’ailleurs, les États membres de l’Union africaine (UA) ont dédié l’année 2018 à «La lutte contre la corruption ». La lutte contre ce fléau occupe une place au cœur de l’Agenda 2063 dont 36% des pays se sont déjà approprié le contenu », révélé le professeur Johson Faladé, Conseiller Spécial CGLU Afrique.

«La corruption fait croître le coût d’investissement et faire fuir les investisseurs. Elle favorise la capture de l’Etat par les groupes d’intérêts », M. Yassir Chokairi, Directeur du Pôle Partenariat et Développement de L’ICPC,  Maroc.

Au Maroc, les efforts de lutte contre la corruption ont démarré en 1999. Le premier programme de lutte contre la corruption a été lancé de 2005 à 2009, explique M. Yassir Chokairi, Directeur du Pôle Partenariat et Développement de L’Instance Centrale de Prévention de la Corruption (ICPC), Maroc.  Pour lui, l’expérience marocaine peut inspirer d’autres néanmoins il signale qu’il « n’y a pas une seule méthode réaliste. Il faut mettre en place des techniques simples et réalistes ».

Une étude menée au Ghana et au Nigéria sur « Comment la corruption affecte le management » révèle que les managers corrompus ne sont pas accessibles pour leur collaborateur. « Ils ne respectent pas leur employés, un système de réseautage est mis en place par ces derniers », explique Dr Ethelbert Chinedu Nwokorie, de l’École du Management Public à l’université de Vaasa (Finlande).

Actions, outils et moyens

Le second panel a présenté les actions, outils et moyens utiles pour lutter contre la corruption.  En Azerbaïdjan l’accent est mis sur la transparence et la reddition des comptes. Des débats citoyens radiophoniques sont initiés entre les ministres et la population. « Ils répondent aux questions des citoyens sur leur gestion », explique M. Azad Jafarli, de l’Agence Nationale pour les Services Publics et les Innovations Sociales sous la Présidence du Chef de l’Etat de la République d’Azerbaidjan (ASAN). Les grands pays comme le Canada sont bien classés en matière de lutte contre la corruption. Néanmoins cela ne place pas le pays à l’abri de certains scandales. Ce qui fait dire à Mme Fatima Houda Pépin, Consultante Internationale qu’il « faut mettre en symbiose toutes les instances impliquées aux différents niveau de gouvernance ».

Pour Mme Chantal Uwimana, Consultante Internationale, « sans la transparence, les piliers de la gouvernance ne seront pas atteints. Le Cap Vert est un bon exemple en matière de transparence avec une approche participative», dit-elle. M. Mamadou Mansour Diagne, de ENDA-Ecopop, mise sur la promotion de la Gouvernance participative et inclusive à travers le Budget Participatif. Selon Monsieur Diagne « le budget participatif est un outil puissant pour lutter contre la corruption».

« Investir dans le Capital Humain des Collectivités Territoriales », tel a été l’objet de la présentation de Dr Najat Zarrouk, Directrice de l’Académie Africaine des Collectivités Territoriales de CGLU Afrique.   Une formation de qualité des agents du service public et des collectivités territoriales permettra de responsabiliser les acteurs et de créer une conscience professionnelle.

Les participants ont émis des recommandations importantes contenues dans la déclaration qu’ils ont adopté en fin d’atelier. Les principales sont les suivantes :

  • Il faut instaurer le respect strict des règles de transparence dans la passation des marchés publics locaux et de l’application des clauses contractuelles, et mettre en œuvre des sanctions exemplaires en cas de manque et des incitations valorisantes en cas d’observance ;
  • Soumettre la gestion administrative et financière des villes et territoires à des audits réguliers dont les résultats sont rendus publics afin de développer la culture de la redevabilité ;
  • Lancer des campagnes publiques de promotion de la transparence et de l’intégrité dans la gouvernance des villes et territoires avec l’appui des médias soulignant notamment les dangers de la corruption et de la mauvaise gestion de la chose publique et son impact négatif sur la promotion des valeurs d’effort et d’équité notamment auprès des jeunes.
  • Développer des systèmes d’accompagnement et d’appui aux gouvernements locaux et régionaux pour instituer la culture de la performance dans la gestion des institutions publiques locales et la fourniture des services de base aux citoyens ;
  • Définir une stratégie de déploiement et de recrutement des ressources humaines de qualité au sein des administrations des villes et territoires, et de renforcement de leur capacité, en s’appuyant notamment sur le dispositif de l’Académie Africaine des collectivités territoriales (ALGA) mis en place par Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique ;
  • Protéger par les textes législatifs les lanceurs d’alerte sur les faits de corruption et engager sans répits les poursuites judiciaires contre les auteurs de crime de corruption révélés ;