Journée Internationale des femmes 2019 : Focus sur l’état d’avancement des 3 campagnes préparées et lancées par le REFELA (Deuxième partie)

Le thème retenu par l’ONU pour la Journée internationale des femmes 2019 est : “Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement”. Chaque année, la célébration du 8 mars est un rendez-vous important pour le Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique (REFELA), la commission permanente de l’égalité de genres de CGLU Afrique, afin de mettre en lumière les avancées et actions réalisées à cet effet par ces actrices de la gouvernance locale.

Pour cette année 2019, le REFELA saisit l’occasion pour faire le point sur le déploiement des trois principales campagnes qui figurent au cœur de son Plan d’Action Stratégique (PAS-REFELA) 2019-2021.  Il s’agit de :

  • La Campagne des Villes africaines sans enfants en situations de rue ;
  • La Campagne des Villes africaines à zéro tolérance face aux violences faites aux femmes et aux filles ;
  • La Campagne des Villes africaines favorables à l’autonomisation économique des femmes.

 

 

 

« Campagne des villes africaines à zéro tolérance face aux violences faites aux femmes et aux filles » :  Ces villes crient « STOP »

L’appel à manifestation d’intérêt lancé le 31 janvier 2019 en direction des collectivités territoriales qui souhaiteraient prendre part volontairement à la ‘’Campagne des villes africaines à zéro tolérance face aux violences faites aux femmes et aux filles’’, a enregistré ses premières adhésions. Les villes et association nationales de 9 pays se sont déjà engagées. De Rabat (Maroc) en passant par Saint-Louis (Sénégal), Banjul (Gambie), Maradi (Niger), Paynesville (Liberia), Tunis (Tunisie), Bangui (République de Centrafrique) et l’Association nationale des collectivités locales de Zambie, l’Association nationale des collectivités locales de Namibie,  les élu-es de ces collectivités sont déterminé-es à jouer leur partition pour éradiquer à terme, ce fléau qui sévit de plus en plus sur le continent africain.

Le rapport analytique  produit par le REFELA dans le cadre de cette campagne, démontre, certes certaines avancées réalisées par des pays, cependant il fait état d’une recrudescence de ce phénomène en Afrique. Selon les chiffres de l’OMS, en Afrique de l’Ouest, plus de 40% de femmes sont victimes de violences et 65% le sont en Afrique Centrale. Une telle situation a bien motivé le choix du slogan de la campagne : « Villes et territoires d’Afrique, à vous d’agir contre les violences faites aux femmes et aux filles ».

 

Au Niger, la région de Maradi totalise le plus grand nombre de pauvre (73,4%) mais est également une des plus affectée par les violences subies par la gent féminine. « Dans l’ensemble de la population Nigérienne enquêtée, 53% déclarent avoir subi au moins une violence au cours de leur vie. Cette proportion est de 44% chez les hommes et de 60% chez les femmes. Les régions de Zinder et de Maradi constituent les zones où le pourcentage de victimes est le plus élevé (respectivement 93% et 83%) (Ampleur et déterminants de la VBG au Niger – 2015) », nous confie Mme Saadou Habiba, 3e Vice-Présidente de la délégation spéciale de la région de Maradi. Cet état des lieux a grandement incité leur adhésion à la campagne lancée par le REFELA. « Les violences qui sévissent dans notre aire de responsabilité comme nous l’avions souligné, ne peuvent laisser indifférent aucun responsable. Ces violences sont si nombreuses et graves de conséquences que notre commune s’engage à y mettre fin le cas échéant, à les réduire », explique Mme Saadou. Dans ce processus, l’élu-e formule deux principales attentes de la campagne des villes africaines à tolérance zéro face aux violences faites aux femmes et aux filles :

  • Un appui à l’organisation de campagnes de masse sur les violences basées sur le genre. Ces campagnes incluront des décideurs locaux, des leaders religieux, coutumiers, etc. Ces derniers sont garants de l’autorité traditionnelle et ont une grande emprise dans la vie communautaire.
  • Un appui à la mise en œuvre de programmes communautaires visant des prises de décisions collectives pour un changement de comportement qui implique nécessairement, celui des normes sociales.

Du côté du Sénégal, contrairement à la région de Maradi, la ville de Saint-Louis qui s’est engagée dans la bataille est la moins affectée par les violences sur l’étendue du territoire national selon les statistiques (2017) données, sur la base d’une étude produite par le laboratoire Genre et Sociétés (Gestes) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.  « La région de Diourbel serait la zone où il existerait le plus de cas de ces violences avec un taux de 72 %, la région la moins touchée, est celle de Saint-Louis dont les chiffres tourneraient autour de 45 %, et pour la région de Dakar, le taux serait de 52,5 %, les statistiques, tournant autour de 50%, ont été aussi données pour les autres régions du Sénégal. », détails des résultats de l’étude.

 

Mme Penda Diouf est la conseillère municipale qui représente la ville de Saint–Louis pour cette campagne. Elle souligne également l’apparition d’un nouveau type de violence via les téléphones portables. La commune de Saint-Louis a commencé a initié des actions pour faire face à ces violences. « Suite à une recherche action sur la budgétisation sensible genre de la commune de Saint-Louis, il a été montré que les problèmes de violences basées sur le genre ne sont pas pris en charge par les budgets des programmes et plans communaux », révèle Mme Diouf. A présent, l’Observatoire Genre et Développement de Saint-Louis (OGDS) est en train de faire un plaidoyer pour que le budget communal prenne en charge les « questions de violences dans les budgets, programmes et plans, dans l’espace de la commune : école, place publique, ménage, lieux de travail, etc…à travers la formation, l’information, la sensibilisation, la prise en charge. Des actions seront menées avec les élus, la société civile et les techniciens ».

Mme Diouf compte sur la campagne du REFELA pour avoir des échanges, des partages, de l’apprentissage et vivre des expériences de projets des autres villes africaines. Son engagement pour la cause est indéfectible. « Je me fais le devoir, l’honneur et le grand plaisir de participer à l’éradication de ce fléau, qui gâche des vies de femmes, et de jeunes filles», soutien notre interlocutrice.

 

Liberia : Opération zéro viol, zéro assassinat, zéro violence envers les femmes et les filles

Prenons la direction du Liberia où le maire de Paynssville, Mme Pam Belcher-Taylor a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes et au filles son principal cheval de bataille. En effet, elle a été bouleversée, il y a plus de deux mois par le sort tragique subit par une jeune dame de sa ville. « J’ai reçu un appel sur le chemin du travail. L’interlocuteur à l’autre bout du fil m’a informé d’un cadavre retrouvé près de chez moi. J’ai changé de cap et me suis rendu sur les lieux. À mon arrivée, la puanteur de la mort a imprégné l’air », relate-elle avec effroi. « Avec impatience, je me dirigeai vers un bâtiment abandonné où je vis de loin une silhouette sommaire gisant sur le sol, partiellement vêtue. C’était une femme probablement dans la quarantaine, avec des lignes sillonnées sur le visage, les yeux fermés et faisant face au ciel. Une semaine après, l’enquête pour identifier cette « Dame Solitaire », a déterminé qu’elle avait été violée par 5 personnes. Dès lors j’ai promis de lutter sans relâche pour avoir ZERO Viol, ZERO Assassinat, ZERO Violence contre les FEMMES et les FILLES à PAYNESVILLE !!!!! (Sic) ».

Sur le terrain, la commune a lancé une campagne de sensibilisation intitulée « Dis NON à la violence à l’égard de nos femmes et de nos filles ». L’équipe de la mairie fait du porte à porte pour partager le message avec la population. « Nous enseignons à nos jeunes filles les signes à surveiller pour se protéger des prédateurs, et des agresseurs. Nous ne voulons pas que nos mères, nos filles et nos sœurs soient une autre “Dame solitaire” dans un bâtiment abandonné », explique Pam Belcher-Taylor.

En ce qui concerne ses attentes par rapport à cette campagne continentale, Pam Belcher-Taylor place l’accent sur l’efficacité pour « l’éradication de cette maladie ». « Oui, la violence à l’égard des femmes et de nos filles est une maladie !!!! En tant que femmes dirigeantes, nous devons être courageuse et inébranlable dans notre combat. Je compte ouvrir le premier registre auprès du ministère du Genre des délinquants sexuels à Paynesville City. Je pense que grâce à cette campagne, nous pourrons donner à autant de femmes et de filles, la force de se faire entendre et de s’exprimer également contre la violence ».

Pour elle, le REFELA est une plateforme où des femmes dynamiques convergent sous le signe de la fraternité et de l’unité. « J’ai été membre de nombreuses organisations. REFELA a une culture diverse et est homogène en tant que Porte flambeau des femmes et des filles en Afrique. Je crois que, avec la détermination et l’instrument du REFELA, nous pouvons atteindre notre objectif d’ici 2030 », prédit Pam Belcher-Taylor.

 

Situation en RCA

La ville de Bangui (République Centrafricaine) avec à sa tête le maire Emile-Gros-Raymond Nakombo est également engagée dans la lutte contre les violences à l’égard des femmes et des filles.  Ce phénomène s’est accentué « pendant les multiples crises que le pays a connu, au point de devenir un véritable fléau », déplore l’élu local.  « La plupart des femmes victimes de violences en Centrafrique sont celles qui sont économiquement dépendantes de leur mari, celles qui sont abandonnées par leur mari et qui n’arrivent pas à subvenir à leurs propres besoins.  79% des cas de violences faites aux femmes sont les abandons conjugaux », a indiqué le Centre d’écoute de Bangui, qui a accueilli en janvier 2012, 96 femmes victimes de violences dont 79% d’abandon de foyer, 10,4% de violence physique (maltraitance conjugale, coups et blessures, Privation de moyens matériels et financiers, Enrôlements forcés par des groupes armés), 4% de violences morales (Injures, discrimination sociale), et 3% de violences sexuelles (viol y compris pour les mineures, esclavage sexuel, mariages forcés) ».

Pour faire face à cette situation, la municipalité de Bangui a mis en place des Comités de Sécurité dans ses huit (8) arrondissements afin de mener des actions de proximité auprès des populations et lutter contre toute sorte de violences enregistrées. La célébration des mariages est également une plateforme de sensibilisation de masses par le Président de la Délégation Spéciale de la Ville de Bangui et les autres officiers d’Etat-Civil.

La campagne des Villes africaines à zéro tolérance face aux violences faites aux femmes et aux filles se focalisera sur 3 actions principales pour que l’éradication de ce fléau d’ici 2030 figure en bonne place parmi les priorités des politiques et stratégies de développement des villes et collectivités territoriales d’Afrique. Il s’agit de :  (i) Sensibiliser et développer des moyens efficaces, en vue de lutter contre la banalisation des faits de violences, que subissent les femmes et les filles, dans le couple, en famille, dans la rue, sur les lieux de travail et au sein des institutions, au nom de pratiques socioculturelles stéréotypées, (ii) Faire de la lutte contre les violences envers les femmes et les filles, une action prioritaire de programmation, de services et d’organisation des villes et collectivités locales, pour une mobilité facilitée des femmes et des filles et une pratique sûre de l’espace public et pour des interventions en cas de violences, urgentes et coordonnées entre les différentes parties concernées (iii) Etablir un système d’évaluation des niveaux de tolérance des villes et territoires locaux des pays de l’Afrique, face aux violences faites aux femmes, les noter, les classer et les orienter vers l’action concrète, pour une évolution vers ce niveau recherché, de tolérance zéro face à ce fléau.

Consultez les articles sur :

-Le document complet sur les 3 campagnes est disponible ici