Journée Africaine de la Décentralisation et du Développement Local (JADDL) : Les collectivités territoriales en première ligne de la lutte contre la corruption au niveau local

Le 10 août, marque chaque année, la célébration de la journée africaine de la décentralisation et du développement local (JADDL), décrétée par l’Union Africaine. L’année 2018 a été placée par l’UA sous le signe de la lutte contre la corruption avec pour thème : «Vaincre la corruption : une voie durable pour la transformation de l’Afrique». Dans ce sillage le thème choisi pour l’édition 2018 de la journée africaine de la décentralisation et du développement local est : ” Lutter contre la corruption au niveau local, une voie durable pour transformer l’Afrique à partir de ses territoires.” Un thème qui vient à point nommé dans un contexte où les collectivités territoriales du continent sont de plus en plus secouées par des scandales de corruption, impliquant les élus de premier plan. Une situation qui a un impact indéniable sur la crédibilité des maires du continent. Comme dit l’adage « le train qui arrive à l’heure n’intéresse personne », on ne parle que des trains qui arrivent en retard. La célébration de la Journée Africaine de la décentralisation est d’une importance capitale pour les collectivités locales car plus qu’une simple date, c’est l’occasion de présenter ce qui fonctionne. En effet, il existe encore des leaders locaux et des fonctionnaires territoriaux en Afrique qui exercent le service public local avec engagement, abnégation, compétence, probité et exemplarité et qui arrivent à créer progressivement, au niveau de leurs territoires, un environnement basé sur la confiance politique, économique et sociale.  C’est le résultat de leur travail qui pourra apporter une contribution efficace pour la transformation du continent.

La corruption peut se définir comme le détournement d’un processus ou d’une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le but d’obtenir des avantages ou des prérogatives particulières en échange de sa complaisance. Ce fléau touche toutes les sphères de gouvernance (internationales, régionales et locales) et sa propagation sur le continent ne peut laisser les collectivités locales indifférentes. Selon le rapport 2017 sur l’Indice de Transparency International sur la perception de la corruption, la corruption continue de prospérer en Afrique. Il en ressort que l’Afrique subsaharienne est la région la moins performante avec un score moyen de 32.

Pour les collectivités territoriales, les conséquences sont néfastes ; en effet, chargées de fournir les services sociaux de base aux populations (eau, électricité, assainissement, etc.), le « manque à gagner » généré par la corruption constitue un sérieux obstacle à la réalisation de l’Agenda 2063 (L’Afrique que nous voulons) et de  l’Agenda 2030 (les 17 objectifs du développement durable), dont  65% de la mise en œuvre dépend du niveau local. L’Afrique que nous voulons est un continent où les enfants peuvent étudier dans des conditions idoines. Sans être contraint de fuir les toilettes de l’établissement parce que ces derniers sont dans des conditions exécrables. C’est la mésaventure qu’a connu en Afrique du SUD, la petite Ziyanda Nkosi, une élève de 6 ans,  qui a vu le sol des toilettes de son école s’effondrer sous ses pieds. Il s’en est fallu de peu pour qu’elle se noie dans le bassin d’excréments. Du côté de Bangangté au Cameroun, certains établissements primaires ont le privilège de jouir du projet de latrine écologique lancée en 2013 par la mairie dirigée par Mme Célestine Ketcha Courtès, Présidente du Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique ( REFELA). Le REFELA est la commission permanente genre de CGLU Afrique.  En plus de la préservation de l’environnement et de la santé, les latrines écologiques participent de la production directe du compost (pour l’agriculture) bio. Ce qui est très bénéfique pour les agriculteurs qui n’ont pas toujours l’accès facile aux engrais chimiques ou importés.

En tant qu’acteurs clés, les plus proches des populations, les élus locaux africains sont dans l’obligation de prendre le problème de lutte contre la corruption à bras le corps.  En sa qualité d’organisation faitière des collectivités territoriales du continent, Cités et Gouvernement Locaux Unis d’Afrique (CGLU Afrique) est convaincu que la résolution de ce problème doit démarrer à la base. Il n’est plus souhaitable de voir les populations être contraintes de soudoyer des tiers pour avoir accès à la signature rapide des documents administratifs ou avoir accès aux timbres communaux. Ce type de scénario présent et visible au plus bas de l’échelle de l’administration a fini par ternir durablement l’image des élus locaux et briser la confiance entre les populations et leurs élus.   «Il s’agit de restaurer le respect et la confiance entre les élus locaux et la population. La corruption détruit le sens des efforts des jeunes. Cette question doit être éradiquée en premier au niveau local », déclarait M. Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU Afrique lors du  Forum des Nations Unies sur la Fonction Publique (21-23 juin 2018,  Marrakech, Maroc).  Pour entretenir une relation de confiance avec les populations, certaines collectivités ont misé sur la mise en œuvre du budget participatif.  C’est le cas de la commune de Pelengana, située dans la région de Ségou au Mali. Ladite commune qui pratique une gestion inclusive via le budget participatif depuis 2014. La mairie dirigée par Mme Diabate Mamou Bamba a d’ailleurs été lauréate en mai 2018 de la première édition du concours de transparence du Programme Gouvernance Locale Redevable (PGLR). « Pour être primée, la commune a dû démontrer le type de gestion qu’elle fait de l’argent des citoyens. Le jury a effectué une descente sur le terrain, pour évaluer la gestion des trois années précédentes », explique l’édile locale. «Les membres du jury ont constaté que la commune faisait de la restitution publique. Il y avait des procès-verbaux de réunions, des procès-verbaux de restitutions publique. Lors de l’élaboration du budget on faisait participer la population. Ils ont vu que rien n’était fait dans la commune sans la population. Ils ont vu une implication des différents acteurs, élus, chef de village et population dans la vie de la collectivité », confie madame Diabaté. Au Gabon, la mairie de Libreville opte aussi sur la transparence pour maintenir la confiance avec les populations. C’est ainsi que l’équipe du maire, Mme Rose Christiane Ossouka Raponda, a lancé son nouveau site Internet au mois de juillet en rendant disponible en ligne le budget municipal des exercices 2014 à 2017 ainsi que les principales informations relatives aux démarches administratives au niveau de la mairie  (liste des documents à fournir, montant des timbres).

Pour sa part, CGLU Afrique a lancé le projet «Transparence et intégrité au niveau local » . Le projet met l’accent sur la performance perpétuelle des autorités locales par rapport à la reddition des comptes et à la transparence. La phase pilote a démarré en juin 2017 avec la commune de Kabarolé en Ouganda. Cette démarche vise à aboutir la mise en place d’un « index sur la transparence et l’intégrité des collectivités territoriales » qui sera présenté et lancé lors du sommet Africités 8. Mme Chantal Uwimana, ancienne directrice de Transparency International Afrique et Consultante CGLU Afrique, présente brièvement le projet en vidéo. Elle revient notamment sur les 4 piliers de la lutte contre la corruption qui sont : la transparence, la participation, la responsabilité et l’intégrité. Pour Mme Uwimana le pilier le plus important est la transparence. « Sans la transparence les autres piliers ne peuvent être atteints. Les collectivités locales doivent rendre leurs informations accessibles sur leur site Internet », explique –t-elle.

La ratification de la charte une nécessité impérieuse

Les instruments juridiques ne manquent pour appuyer les autorités locales dans ce combat de lutte contre la corruption. Au niveau africain, il existe la convention cadre de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. La charte Africaine sur les Valeurs et Principes de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale et du Développement Local, adoptée par la Conférence des Chefs d’Etats de l’Union Africaine, réunie du 26 au 27 juin 2014 à Malabo, contient également une série de valeurs fondamentales, dont l’intégrité, la transparence et l’obligation de rendre compte. Dans son article 14, la charte engage les gouvernements centraux et les gouvernements locaux à mettre en place des mécanismes pour combattre la corruption sous toutes ses formes (paragraphe 3).

CGLU Afrique saisit à nouveau l’opportunité qu’offre la célébration de la JADDL pour poursuivre son plaidoyer pour la ratification de cette charte par les États Membres de l’Union Africaine. Depuis son adoption, 13 pays l’ont signé et 3 seulement l’ont ratifié (Madagascar, Namibie et Burundi). Un total de 15 ratifications est nécessaire pour permettre à la charte de devenir un instrument juridique de l’Union Africaine. Le fait que le processus de ratification soit différent d’un pays à l’autre ralenti l’atteinte de l’objectif. En effet, d’aucuns ont besoin de la décision du parlement, d’autres de l’assemblée nationale, d’autre du président de la république, du chef du gouvernement ou du ministre des affaires étrangères. Ensuite les instruments de ratification doivent être déposés à l’Union Africaine par l’Ambassadeur du pays auprès de l’UA.  CGLU Afrique a engagé ses membres dès 2015 dans le plaidoyer et la mobilisation pour la ratification de la charte, lors de la série des rencontres régionales dans les cinq régions (Centre, Ouest, Est, Australe et Nord) et des rencontres stratégiques régionales (Afrique de l’Est, Afrique Centrale, Afrique Australe, Afrique de l’Ouest) qui ont débutées en avril 2018.  De Libreville à Monrovia, en passant par Abidjan à Accra, sans oublier Freetown et Bamako, les maires du continent se sont engagés à être les champions pour la ratification de cette charte. Retrouvez leurs interviews où ils dressent également l’état de la décentralisation dans leurs pays.

CGLU Afrique travaille étroitement avec le Comité Technique Spécialisé n°8 de l’Union Africaine sur la Fonction Publique, les Collectivités Locales, le Développement Urbain et la Décentralisation (CTS n° 8) pour le plaidoyer en faveur de la ratification de cette charte. Son Excellence Mme Jeanne D’Arc Kagayo , ancienne ministre du Développement Communal du Burundi et actuel ministre de la Bonne Gouvernance, invite les autres pays à suivre l’exemple du sien et donne rendez-vous à ses pairs pour célébrer les avancées lors du sommet Africités 8  qu’organise CGLU Afrique du 20 au 24 novembre 2018 à Marrakech (Maroc). Retrouvez son message vidéo ci-dessous. 

Citation :

«Cette charte est essentielle parce que son adoption donne un document de référence pour tous les pays qui veulent approfondir ou se lancer dans les politiques de décentralisation. Cette charte est également essentielle dans le partage des responsabilités entre le niveau national et le niveau local de gouvernance», Jean Pierre Elong Mbassi, Secretaire Général de CGLU Afrique .

  • Découvrez la campagne de CGLU Afrique pour la ratification de la charte sur nos réseaux sociaux Twitter Facebook 
  • Découvrez la Déclaration du side event du CTS n° 8 et CGLU Afrique sur : “Transparence, intégrité et lutte contre la corruption : Une exigence clé pour la réalisation du développement durable”.

 

Pour davantage d’informations, veuillez contacter :

Gaelle Yomi 

Tél : +212 610 56 71 45

ou

E-mail : gyomi@uclga.org