« CGLU Afrique fera tout son possible, pour que les villes et régions entretiennent l’élan de la COP21», Jean-Pierre Elong Mbassi (Cities Today Magazine)
Le Secrétaire Général de Cités et Gouvernements Locaux Unies d’Afrique (CGLU-A), M. Jean-Pierre Elong Mbassi a été choisi parmi les panélistes du magazine «Cities Today» pour se prononcer sur l’accord de Paris sur le climat (COP21). Dans son édition de février 2016, le magazine trimestriel offre une tribune aux leaders des villes afin qu’ils indiquent ce que cet accord signifie pour les agglomérations. L’article rédigé par Jonathan Andrews est intitulé «Les leaders de villes demandent davantage de soutien financier sur le changement climatique».
Aux côtés de M. Mbassi figurent comme autres panélistes : Michael Bloomberg, Envoyé spécial des Nations Unies pour les villes et le changement climatique., Mark Watts, Directeur exécutif du Groupe C40 sur le climat (C40 Climate Leadership Group) , Tom Cochran, Directeur Exécutif de la conférence des maires des Etats-Unis, Anna Lisa Boni, Secretaire Général d’Eurocities , Monika Zimmermann, député secrétaire général d’ICLEI et Rafael Tuts, Coordonnateur du Service de la planification et de l’aménagement du milieu urbain d’UN-HABITAT.
Nous vous proposons les réponses du secrétaire général de CGLU-A, qui appelle à une implication de tous via un dialogue multi acteurs afin de voir l’accord de Paris produire un réel impact dans les villes en matière de changement climatique.
L’article intégral avec l’avis des différents panélistes est disponible en anglais ici
Que pensez-vous de l’accord de la COP21 ?
Pour la première fois tous les États ont accepté, qu’ils font face à une menace commune du réchauffement et ils ont convenu que tout doit être fait pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 2 degrés Celsius. Toutefois, le fait que l’accord n’a pas de dispositions contraignantes peut être vu comme une faiblesse. Le principe de «nommer et dénoncer» dans l’accord suppose que des mécanismes de suivi et d’évaluation appropriés sont en place qui peut fournir des conseils neutres. Le recours à l’évaluation par des experts des rapports des pays volontaires ne sera certainement pas assez pour savoir exactement quels sont les pays qui mettent en œuvre l’accord. En outre, le principe de « nommer et dénoncer » suppose que la société civile pourrait jouer un rôle plus important. Il est frappant de constater que malgré le rôle essentiel attendu de leur part, les organisations de la société civile n’étaient pas vraiment parties prenantes aux pourparlers de la COP21.
Dans quel domaine l’accord pourrait faire davantage ?
C’est le genre de problème où une approche multi-acteurs est la clé. Un dialogue quadripartite organisé et structuré entre les gouvernements nationaux, les autorités locales, le secteur privé et la société civile à tous les niveaux (locale, nationale, régionale et mondiale) aurait été la meilleure façon de préparer les négociations à la COP21. Il faut espérer que cette approche sera adoptée pour la COP22 à Marrakech en novembre 2016, qui porte spécifiquement sur les moyens de mise en œuvre de l’accord de la COP21.
En signant la déclaration de Paris au sommet sur le climat pour les dirigeants locaux qui s’est tenue en marge de la COP21, plus de 600 villes se sont fixé des objectifs pour réduire de moitié les émissions urbaines. Etait-ce à dire que la Conférence réservée aux villes a été plus qu’une manifestation parallèle au point de ravir la vedette aux Etats ?
Malheureusement, malgré leur rôle incontournable dans l’Agenda du changement climatique et la reconnaissance générale qu’aucun progrès réel ne serait fait dans la lutte contre le réchauffement climatique si les villes et les gouvernements locaux ne sont pas considérés comme la ligne de front de ce combat, les dirigeants locaux continuent d’exprimer leur position à l’extérieur des salles de négociations. Le sommet sur le climat pour les dirigeants locaux était considéré comme un évènement parallèle et ne faisait pas partie de la procédure officielle de la COP21. Donc, il y a encore un long chemin à parcourir avant que l’ONU puisse traduire en acte la première phrase de sa déclaration de fondatrice: « Nous, peuple du monde… »
L’accord de la COP21 souligne globalement que 100 milliards de dollars US par an doit être dépensée pour poursuivre les objectifs avec la plupart des coûts destinés aux efforts d’infrastructures d’écologisation, d’atténuation et d’adaptation supportés par les zones urbaines. Est-ce que le financement constitue la prochaine bataille pour les villes et d’où proviendront les Fonds ?
Il y a beaucoup d’espoir dans ce « fonds de la justice climatique » de 100 milliards de dollars US par an. Cependant, l’expérience antérieure avec le financement climatique montre qu’il y a une énorme différence entre les promesses et la présence effective de l’argent dans les caisses. En outre, l’accès au financement climatique a été très difficile pour les autorités locales en raison de procédures discriminatoires et compliquées. Les autorités locales espèrent qu’il y aura une ouverture pour leur accès direct à ce fonds. Nous devrions profiter de la période de temps qui nous sépare de l’entrée en vigueur de la caisse en 2020 pour définir des mécanismes appropriés qui garantiraient un accès effectif et l’utilisation de ces fonds pour des initiatives d’atténuation et d’adaptation aux niveaux locales et régional.
Selon C40 presque les trois quarts du défis des villes lorsqu’elles tentent de prendre des mesures efficaces sur le changement climatique exige une collaboration avec les gouvernements nationaux, le secteur privé et d’autres. Que peut-on faire pour développer et améliorer ces relations ?
La collaboration avec la société civile et le secteur privé fait partie de l’ADN des autorités locales. Ce qui doit être fait, c’est de créer un environnement propice au niveau national et supérieur de la gouvernance publique afin de permettre plus d’engagements multi-acteurs. Ce qu’il faut aussi c’est un mécanisme convenu au niveau international de surveillance pour éviter les abus de situation dominante, particulièrement par des sociétés multinationales, dont les pouvoirs négociateurs peuvent être beaucoup plus forts que certains des États du tiers-monde, sans oublier de mentionner leurs gouvernements locaux et régionaux.
A l’avenir, quelles sont vos prochaines étapes pour aider les villes à mettre en place des mesures pour éviter le réchauffement de la planète plafonnée à 1,5 degré ?
Les villes et régions des pays en développement sont conscientes qu’elles ne peuvent pas reproduire les modèles non durables de développement suivis par leurs homologues des pays développés qui mettent le monde en péril avec le réchauffement climatique. Il est donc temps pour chacun d’entre nous de se tenir la main et trouver un moyen de développement plus durable et à faibles émissions de carbone. Le monde a suffisamment de connaissances pour arriver à la solution la plus appropriée. Il est nécessaire de faire prévaloir l’esprit d’unité représentée à la COP21. CGLU Afrique fera tout son possible pour que les villes et régions au moins en Afrique, sinon dans toutes les régions du monde, entretiennent l’élan de la COP21, de coopération et de travail vers plus de solidarité et moins de concurrence acharnée entre elles.