Réunion stratégique de Cities Alliance à Johannesburg, 14-16 octobre 2013
Une délégation de CGLU Afrique conduite par le Secrétaire Général et comprenant M. Daby Diagne, Conseiller Spécial, et Charles Patsika, Chargé de Programme, a pris part à la réunion de l’Alliance des Villes (Cities Alliance) à Johannesburg du 14 au 16 octobre 2013.
Le but de cette réunion est de contribuer à la définition de la stratégie africaine de Cities Alliance.
Cette réunion fait suite à une précédente réunion de Cities Alliance tenue à Addis-Abeba qui a identifié cinq (5) domaines prioritaires pour la stratégie africaine de Cities Alliance, à savoir: 1. Développer un narratif pro-ville convaincant; 2. Développer des systèmes d’informations qui peuvent produire et gérer des données précises et pertinentes; 3. Responsabiliser les collectivités locales; 4. Mieux appréhender et répondre plus efficacement à l’informalité ; 5. Apporter des réponses aux nouveaux acteurs, enjeux et défis.
Trois objectifs ont été abordés lors de la réunion: 1. Que savons-nous sur les questions relatives aux différents domaines prioritaires d’intervention? 2. Quels sont les défis à relever pour passer à la mise en œuvre de l’agenda? 3. Quels sont les principes directeurs à élaborer et les recommandations à formuler pour passer à l’action et quelle devrait être la voie à suivre pour une stratégie africaine de Cities Alliance?
Par rapport au narratif pro-ville, la réunion a reconnu que nous devons faire face à deux principaux obstacles: d’une part, le fait que dans la plupart des cas, la croissance des villes se traduit souvent par la croissance des bidonvilles et des quartiers informels, peignant ainsi les villes africaines comme le reflet de l’échec des stratégies de développement en Afrique ; d’autre part, le fait que malgré une période de taux de croissance économique soutenue pendant dix ans, l’économie des villes africaines semble toujours être dominée par le secteur informel en termes de génération d’emplois et de revenus pour la majorité des citadins, amplifiant ainsi le sentiment que les villes d’Afrique ne peuvent pas être qualifiées comme telles, eu égard à l’énorme fossé qu’elles enregistrent dans la fourniture des services de base par rapport aux autres villes du monde. L’élaboration d’un narratif pro-ville devrait donc aborder ces deux obstacles et mettre également en relief le potentiel de résistance des citadins africains grâce à l’immense capital social qu’ils ont développé pour s’adapter à des conditions de vie très difficiles. Il devra aussi insister sur la grande contribution des villes au PIB de la plupart des pays africains, ce qui implique que les performances des économies nationales sont de plus en plus liées au fonctionnement efficace et efficient des villes. Tout narratif pro-ville devrait également tenir compte de l’étendue du changement du paysage urbain, en termes de concentration thématique et d’acteurs impliqués.Les progrès technologiques, la question de la durabilité et des impacts du changement climatique, la montée en puissance des villes, ont un impact profond sur la façon dont les villes sont perçues, fonctionnent et sont gérées. La gestion des villes est désormais la préoccupation d’une grande gamme d’acteurs, bien au-delà de ceux que nous connaissons dans le contexte national (communautés, autorités locales et nationales, secteur privé et universitaires).
D’où la nécessité de développer d’autres moyens de collecte de données et de production d’informations et d’explorer la production d’informations localisées sur les masses démographiques, en s’appuyant davantage sur les informations numérisées, telles que les Systèmes d’Information Géographiques (SIG), et sur l’utilisation des TIC et de dispositifs mobiles. La campagne « Connais ta ville » qui est en cours d’élaboration par SDI et CGLU Afrique pourrait servir de modèle pour de tels moyens alternatifs de production de données dans les villes africaines. Le développement de tableaux de bord pour les villes en utilisant les informations de première main sur les masses démographiques, associé aux informations numériques pourrait constituer un bon résultat de ces systèmes urbains alternatifs d’informations. La proposition d’une plateforme de base ouverte pour servir de dépositaire de ces données sur les villes africaines a été mentionnée. Une telle plateforme de connaissances sur les villes peut être développée en collaboration entre SDI, CGLU Afrique, les universités africaines et les centres de recherche africains tel que le Centre africain pour les villes de l’Université de Cape Town, en Afrique du Sud.
Par rapport à la responsabilisation des collectivités locales, le constat partagé est que tant que les autorités locales ne sont pas placées au premier rang dans la gestion du défi urbain, il n’existera aucun moyen pour l’Afrique de pouvoir maximiser les avantages de l’urbanisation et réduire les conséquences néfastes sur les conditions de vie des citadins. Trois conditions principales doivent être remplies pour que les villes et les autorités locales puissent devenir des acteurs clés dans la gestion de l’urbanisation en Afrique: (i) veiller à la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel approprié, pour que les villes et les autorités locales puissent bénéficier d’un environnement propice à leurs initiatives et actions, (ii) obtenir une répartition financière appropriée des ressources publiques entre l’Etat et les autorités locales, ce qui implique la tenue d’un débat équitable sur la décentralisation fiscale entre les Etats et les collectivités locales. Un tel débat ne peut être efficace que si les collectivités locales sont organisées au sein d’associations nationales dont la responsabilisation constitue un prérequis pour un dialogue efficace et structuré sur la définition, la mise en œuvre et l’évaluation de la politique de décentralisation, (iii) veiller à la mise en place de ressources humaines adéquates des collectivités locales, ce qui signifie mettre l’accent sur la professionnalisation du personnel des administrations locales, et sur l’amélioration conséquente des capacités de leadership des élus locaux.
Il est estimé, sur la base de sa part dans le paysage des villes africaines, que l’informalité est ce qui caractérise le mieux la nature des villes en Afrique. L’informalité a des dimensions économiques, sociales, culturelles, juridiques et spatiales, pour ne citer que quelques-unes. Aborder la question de l’informalité est donc une entreprise très complexe. De nombreux dirigeants des villes ignorent la contribution du soi-disant secteur informel dans le fonctionnement de la ville. Pour certains, l’informalité est perçue comme une réponse à l’incapacité de l’économie formelle de fournir des moyens de subsistance à la majorité des citadins. Par contre, d’autres ont le sentiment que le secteur informel est une mauvaise réponse aux désirs des citadins africains. La plupart des perceptions sur l’informalité sont plutôt négatives. Il y a cependant une autre école de pensée qui affirme que la majorité des citadins africains gagnant leur vie en dehors du secteur formel des emplois stables de salariat sont des précurseurs de ce que sera l’avenir du marché du travail à travers le monde, qui se caractérise par la précarité des conditions des employés, et la sensible augmentation des travailleurs indépendants. L’approche que l’Afrique adoptera pour faire face à cette situation, particulièrement dans les villes, peut inspirer d’autres régions qui ne sont pas mises au fait de telles situations. Cette école de pensée estime en conséquence que le continent peut avoir un avantage sur les autres régions en adoptant des approches alternatives et adaptées de réseaux de sécurité sociale dans un environnement dominé par les travailleurs indépendants. Avoir une meilleure compréhension de ces approches alternatives et systématiser la documentation des nouvelles solutions expérimentées dans le contexte des villes africaines, en particulier parmi les pauvres citadins, peuvent conduire à la réhabilitation des secteurs informels des villes africaines et à la définition d’approches inclusives novatrices de villes inclusives.
La réunion a reconnu que la capacité et le génie entrepreneuriaux des populations africaines ne sont pas soutenus par un cadre institutionnel. Les dirigeants ne se rendent pas encore compte que le fonctionnement et les performances des lieux sont la solution pour des trajectoires économiques optimales et inclusives. Ils doivent prêter attention à la base territoriale des économies. Cela exige un changement radical par rapport au statu quo actuel: les économies nationales et régionales sont ancrées dans les villes qui sont les magasins d’atterrissage pour les investisseurs et les passerelles vers les marchés locaux, nationaux et régionaux. Les villes ont besoin de collectivités locales robustes, efficaces et financièrement solides, dotées de compétences constitutionnelles et juridiquement définies. L’engagement politique pour la décentralisation ne se traduit pas encore par des améliorations concrètes dans l’autonomie des décisions des collectivités locales en termes de mesures institutionnelles et fiscales. Bien sûr, il existe différents régimes de décentralisation selon les différents pays. Mais un effort est fait pour arriver à un terrain d’entente et une vision commune sur le contenu des politiques de décentralisation à travers le continent. La prochaine adoption de la Charte de l’Union Africaine sur les Valeurs et Principes de la Décentralisation et du Développement Local constitue un pas dans la bonne direction.
Cities Alliance est une plateforme qui peut contribuer également à cet effort. Sans transformer son agenda, son ordre de mission et sa charte, elle a la capacité de présenter des arguments solides en faveur de l’importance des villes, de produire et mener des battages médiatiques pour soigner l’image des villes, de mettre en contact les principaux acteurs pour la défense et la promotion des villes, et de développer en même temps une note conceptuelle sur quelques villes pilotes, en jetant ainsi les fondations pour la montée en puissance. De même, Cities Alliance peut également appuyer la mise au point de systèmes appropriés de connaissances et d’informations, l’élaboration d’un engagement en faveur de l’informalité, et le renforcement des capacités des collectivités locales. Pour aborder efficacement toutes ces questions, la réunion a estimé qu’il était nécessaire que Cities Alliance mette en place un groupe de réflexion qui serait chargé d’élaborer une feuille de route sur 3 ans pour la définition et la mise en œuvre de la stratégie africaine de Cities Alliance, en tenant compte des principales étapes suivantes:
- La réunion du Groupe Consultatif de l’Alliance des Villes les 4-6 novembre 2013 à Ouagadougou, Burkina Faso
- Le lancement par l’ONU-Habitat du processus préparatoire de l’Habitat III les 4-6 décembre 2013 à Nairobi, Kenya
- La prochaine réunion de l’AMCHUD les 23-28 février 2014 à N’Djamena, au Tchad
- Les réunions de printemps du FMI/ Banque Mondiale en avril 2014 à Washington, Etats-Unis, durant lesquelles un side-event est prévu entre les autorités locales africaines et les ministres africains des Finances
- Le 7ème Forum urbain mondial (FUM) en avril 2014 à Medellin, Colombie
- La réunion sur la position de l’Afrique par rapport à l’Habitat III, en juin 2015, Abuja, Nigéria
- Le 7ème Sommet Africités les 1-5 décembre 2015
M. William Cobbett, Directeur Général du Secrétariat de Cities Alliance a conclu la réunion en confirmant que son Secrétariat présentera un cadre stratégique et mettra en place un Groupe de Réflexion dans les prochains jours. Les participants à la réunion seront tenus informés.
En marge de la réunion, un protocole d’accord sur la mise en œuvre de la campagne « Connais ta ville » a été signé officiellement entre SDI, CGLU Afrique, et Cities Alliance.