Agence Territoriale Afrique et réseau des jeunes élus locaux, des outils pour la gouvernance locale

Du 11 au 15 novembre 2019, Durban (Afrique du Sud) a abrité le sommet mondial des dirigeants locaux et régionaux. 3000 participants ont pris à part à cet évènement organisé tous les 3 ans par Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU).

Durant les cinq jours de travaux, CGLU Afrique a apporté une contribution significative à travers l’organisation et la participation à une vingtaine de sessions. Les élus locaux et régionaux africains fortement mobilisés par CGLU Afrique ont pris part aux débats et partagé leurs expériences sur les thématiques liés à la finance locale, l’urbanisation, l’égalité de genre, la migration, le capital humain, les politiques culturelles, la mobilité, le climat, le financement du développement des territoires et la jeunesse.

« Quel que soit sa taille, une collectivité a une pratique à partager, ll faudrait que chaque collectivité territoriale présente au congrès, partage une bonne pratique, quel que soit le thème » Mohamed Sadiki, Maire de Rabat, Maroc

Nous vous proposons un passage en revue des moments marquants des sessions de l’Afrique Locale. (Première partie).
Le Club Fondateur de l’Agence Afrique Territoriale est sur les rails

Durban a marqué une étape majeure dans la mise en place de l’Agence Territoriale Afrique. Ce véhicule de CGLU Afrique qui vise à permettre aux autorités locales d’avoir accès aux marchés financiers a vu la tenue de la première réunion des membres du club fondateur de l’Agence le 11 novembre 2019. La rencontre a été présidée par M. Léandre Nzué, Président de CGLU Afrique. Dans son allocution d’ouverture M. Nzué a rappelé l’importance de ce véhicule qui vise à renforcer la capacité d’action et de solidarité les collectivités territoriales. Pour cette première rencontre il était nécessaire que « l’information circule sur cet outil désormais incontournable mais aussi de dissiper toutes les zones d’ombres afin de permettre d’engager toutes les actions nécessaires à l’entrée en coopération rapide de l’ATA », a –t-il déclaré.

Le club fondateur de l’ATA est composé des villes qui ont souscrit pour injecter 100 mille EUR pour faire partie de cette société coopérative. Elles seront les actionnaires majoritaires du capital de cette Agence. 44 villes y sont déjà inscrites.

Face à la densité des ressources financières nécessaires pour mener à bien la gestion de leur commune, le recours au marché financier se présente comme une passerelle viable pour les élus. En effet, on estime qu’il faut autour de 100 milliards de dollars d’investissement par an dans les collectivités territoriales africaines pour améliorer les conditions de vies des populations actuelles et des générations prochaines. «Ce qui équivaut à près de 5,5% du PIB du continent. Le 4/5 de ces infrastructures sont sous la responsabilité des collectivités territoriales », souligne François Paul Yatta, Directeur des programmes de CGLU Afrique. En allant sur le marché financier avec l’ATA, les collectivités territoriales pourront jouir des avantages suivants :

  • Emettre des bons qui vont intéresser les investisseurs,
  • Réduire les taux d’intérêts,
  • Réduire les coûts des transactions (si les collectivités territoriales vont sur le marché financier de manière individuelle, le taux d’intérêt des transactions sera à un niveau presque insupportable),
  • Donner un système de garantie qui rassure les investisseurs par le biais de l’ATA,
  • Permettre aux petites collectivités territoriales d’avoir accès au marché financier (au sein de l’ATA, les villes les plus dotées devront se solidariser avec les villes moins fortunées. Ces dernières pourront ainsi avoir accès aux ressources du marché financier),
  • Mobiliser de l’argent qui permet de couvrir les besoins des collectivités territoriales.
  • Fonctionnement

    Le capital nécessaire pour l’agence est de 20 millions d’euros, raison pour laquelle il faut 100 collectivités territoriales qui vont injecter chacune 100 mille EUR, ainsi elles détiendront 51.1% du capital. Ce qui permettra aux collectivités territoriales de détenir la paternité de cet instrument. Les prêts se feront sous la base de procédure simple. La Banque Africaine de Développement est partenaire de l’ATA, sa participation se décline sur 4 aspects : Présente dans le capital de l’Agence ; Garante de l’Agence Afrique Territoriale, ce qui permettra à l’Agence d’accéder plus facilement au marché financier mais aussi d’avoir des prêts à moindre coût ; la BAD pourra souscrire aux émissions de l’ATA et ; appuyer le programme de notation, qui est un programme de mise à niveau des villes de l’ATA pour qu’elles soient capable de prêter et de rembourser.

    Feuille de route

    2020- Deux réunions planifiées : Une pour approuver le modèle économique et de gestion de risque et une deuxième réunion pour approuver la structure institutionnelle et les différentes règles de l’ATA.

    2021 : Présentation de l’Agence aux investisseurs et préparation de la première émission.

    2022 : Réalisation de la première émission et début des premiers prêts aux collectivités territoriales.

    Fort de cette présentation détaillée faite par M. Yatta, les participants à la réunion se sont donnés jusqu’à la fin de l’année 2019 pour finaliser le choix des 5 villes qui vont siéger au conseil de surveillance provisoire de la société coopérative de l’Agence Territoriale Afrique. Deux villes sont déjà connues. Il s’agit de Dakar (Sénégal) pour la région Afrique de l’Ouest et Eldoret (Kenya) pour la région Afrique de l’Est. Les trois autres villes seront choisies d’ici la fin de l’année 2019 pour les régions Afrique Centrale, Afrique du Nord et Afrique Australe.

    Le conseil pilotera notamment le recrutement d’un gestionnaire de fonds pour gérer la banque de l’Agence Territoriale Afrique.

    On prit part à la rencontre : M. Léandre Nzué, Maire de Libreville (Gabon), Président de CGLU Afrique, Mme SouamSoham El Wardini , maire de Dakar (Sénégal) Vice-présidente de CGLU Afrique pour la région Afrique de l’Ouest, M. Innocent Uwimana, Président de l’Association Rwandaise des Autorités locales, M. David André, Maire de Victoria (Seychelles), M. Emile Gros Raymond Nakombo, maire de la ville de Bangui (Centrafrique), M. Vincent N’cho Kouaoh, Vice-gouverneur du District d’Abidjan (Côte d’Ivoire), Mme Fatouma Awaleh Osman , Maire de Djibouti, M. Allan Samu Mmadi, Président du conseil municipal de Mangochi (Malawi), M. Lomoyang Joseph, Président de l’ Association des gouvernements locaux d’Ouganda (ULGA) , M. Julius Kitur, Président du conseil municipal d’Eldoret (Kenya), et les représentants des villes de Ouagadougou (Burkina Faso), de la commune urbaine de Yaoundé (Cameroun), de l’Association Burundaise des Elus Locaux (ABELO) , de la ville de Sfax (Tunisie) et M. Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU Afrique.

    photos de la session disponible ici

    Mise en place du réseau des jeunes élus locaux au sein de CGLU Afrique

    La voix des jeunes élus locaux Africains a fait échos aux cours de la session qui leur était consacrée le 11 novembre 2019. A travers trois présentations sur des expériences de la Zambie, la Tunisie et le Sénégal, sur le thème : « Les jeunes élus locaux africains face aux défis de la gouvernance territoriale ».

    Face à la faible représentativité des jeunes dans les instances de décisions au niveau locale, M. Christopher Kangombé, Maire de Kitwe (Zambie) préconise une sensibilisation à l’endroit de la « Génération Y ». A 34 ans, M. Kangombé est aujourd’hui président de l’Association des Gouvernements Locaux de Zambie. C’est en 2006 à l’âge de 21 ans qu’il décide de briguer un poste de conseiller municipal alors qu’il est encore étudiant. Pour lui, la première des choses à faire pour les jeunes qui ambitionne de se lancer dans la gouvernance locale, c’est d’avoir un plan. « Vous ne pouvez gagner aucune élection si vous n’avez pas des personnes pour voter pour vous. Nous avions mis en place une stratégie de sensibilisation des étudiants, un an avant les élections municipales pour les encourager à aller voter. Nous avions pu enregistrer 5 mille votants et j’ai pu remporter les élections en tant que candidat indépendant. J’ai été élu car j’avais un plan ».

    Ensuite il faut encourager les jeunes à être partie prenante du processus de prise de décision. Il faut pour cela cibler les écoles, le ministère de l’éducation, le ministère de la jeunesse et des sports. Il faut un plaidoyer solide pour s’assurer de l’implication des jeunes dans la gestion de la collectivité territoriale. Deuxièmement nous devons nous assurer au niveau de nos pays respectifs que les lois permettent aux jeunes de se présenter pour briguer les postes de décision. Militer pour l’intégration de quota pour les jeunes. En Zambie nous sommes à présent seulement 5 maires de moins de 35 ans.

    Mme Ibticem Atitallah (34 ans), Adjointe au maire de Sfax a pour sa part rappelée que la révolution du 14 janvier 2011 en Tunisie a été initié et réussie par les jeunes. Ce qui a été marqué par une adhésion massive des jeunes aux partis politiques. La Tunisie depuis 2017 dispose des textes qui favorisent les candidatures des jeunes dans la gouvernance locale. L’âge minimale pour les municipales et les régionales a été fixé à 18 ans et la liste de chaque parti doit présenter un jeune parmi ses 3 premiers candidats. La municipalité de Sfax compte 16 jeunes sur 42 conseillers municipaux. A présent, 47% des jeunes sont représenté dans les conseillers municipaux en Tunisie.

    Mme Thérèse Faye Diouf, maire de la commune de Diaréré (Sénégal) est la première femme à diriger cette collectivité territoriale. En poste depuis 2014 elle est d’avis qu’une meilleure implication de la jeunesse dans la gouvernance locale passe par la création d’espace d’expression des jeunes. « Au Sénégal, il faut une forte représentation des jeunes au niveau des instances de décision car la jeunesse représente 67.77% de la population sénégalaise. Il faut favoriser des conseils de jeunesse dans les localités, des clubs des jeunesses au niveau des écoles et des universités. Ce sont des plateformes qui préparent les jeunes à être des leaders » a-t-elle expliqué. Pour le moment le Sénégal compte plus d’une trentaine de jeunes maires de moins de 40 ans.

    Les panélistes ainsi que les autres jeunes maires élus présents à la session ont salué la décision du comité exécutif de CGLU Afrique de mettre en place le réseau des jeunes élus locaux au sein de CGLU Afrique en tant que communauté de pratique des jeunes élus sur la gouvernance territoriale. Un comité préparatoire de l’assemblée générale des jeunes maires et élus locaux d’Afrique bureau constitué d’un représentant par région a été désigné. La première assemblée générale du réseau est prévue lors du prochain sommet Africités en 2021 à Kisumu au Kenya. Le comité est composé de : M. Christopher Kangombé (Kitwe), Président pour la région Afrique de l’Est, Mme Ibticem Atitallah (Sfax), Présidente pour la région Afrique du Nord, Mme Thérèse Faye Diouf, Présidente pour la région Afrique de l’Ouest. Les régions de l’Afrique Australe et Afrique Centrale seront contactées par le secrétariat de CGLU Afrique pour désigner leur représentant au sein du comité. La session a été modérée par M. Emile Gros Raymond Nakombo, maire de la ville de Bangui (Centrafrique) en présence de M. Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU Afrique.

    photos de la session disponible ici

    Deuxième partie ici