Deuxième Forum des Collectivités Territoriales sur : “De l’engagement à la mise en œuvre des mesures d’adaptation et de résilience”
Le 6 mars 2023, CGLU Afrique a organisé le 2ème Forum des Collectivités territoriales à Abidjan, en partenariat avec le Centre mondial sur l’adaptation de son acronyme anglais GCA, CGLU Monde, l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire (UVICOCI), le Programme des Nations unies pour l’environnement (l’UNEP), la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).
Le forum a connu la participation des membres du Gouvernement de Côte d’Ivoire, d’une soixantaine de maires représentant des villes et des communes africaines, ainsi que les partenaires à l’organisation de l’évènement.
La rencontre a servi de plateforme pour échanger sur les différentes approches en vigueur en matière de gouvernance multi niveaux dans la perspective de renforcer le processus de territorialisation des CDN. Ce forum a également été l’occasion d’engager et de structurer le cadre de mise en œuvre des projets initiés lors de la COP27, à savoir : « l’évaluation des risques climatiques et la mise en place d’un plan territorial de résilience », en partenariat avec GCA et « l’élimination du brûlage à l’air libre des déchets en Afrique » piloté conjointement avec l’AMCEN.
La séance d’ouverture du forum a été consacrée au cadre de gouvernance multi niveaux et la seconde partie des travaux a concerné le cadre de mise en œuvre de deux thématiques clés, à savoir la gestion des risques climatique et la gestion durable des déchets.
La session d’ouverture de haut niveau s’est tenue sur le thème « Dialogue structuré pour une gouvernance multiniveau en Afrique ». Cette session modérée par M. Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU Afrique, a vu la participation de son excellence M. Claude Paulin DANHO, Ministre des Sports, et président de l’Union des Villes et Commune de Côte d’Ivoire (UVICOCI), qui a ouvert officiellement le Forum en souhaitant la bienvenue au nom de l’UVICOCI et de l’ensemble des communes de Côte d’Ivoire et plein succès à ses travaux. Monsieur le Ministre a mis en exergue l’importance de ce Forum dans le processus de territorialisation des CDN et la pertinence des thématiques clés au programme.
Pour sa part, M. Jean Pierre Elong Mbassi, Secrétaire Général de CGLU Afrique a souligné qu’à la COP 27 à Sharm El Sheikh, il a été retenu que l’agenda de l’Afrique en matière de climat est celui de l’adaptation et ce forum rentre dans le processus de bâtir une position commune pour l’Afrique pour la COP28. Le Secrétaire Général a mis en exergue l’acquis concernant l’adoption d’un Fonds relatif aux pertes et dommages et qu’il est urgent de préparer les collectivités locales qui sont les premières impactées, afin de se doter de plans de résilience et d’adaptation. La voix des collectivités territoriales doit être entendue et respectée, car ces dernières sont les partenaires légitimes dans la mise en œuvre de l’agenda climat. La Côte d’Ivoire, en abritant ce second forum des maires manifeste ainsi son ambition d’être l’un des portes flambeaux de l’adaptation au niveau local. M. Elong Mbassi a rappelé également la percée significative des Collectivités territoriales en matière d’adaptation par la reconnaissance par l’AMCEN du rôle incontournable des gouvernements locaux dans la prise en charge des mesures d’Adaptation. A cet égard, il a été décidé lors de la 18ème réunion de l’AMCEN de domicilier l’Unité d’Appui technique de l’IAA au sein du bureau régional Afrique du Nord (NARO) de CGLU Afrique au Caire. Il s’agit donc de porter cette dynamique lors de la COP28 à Dubaï, afin d’intégrer au sein des travaux du Sommet un forum des collectivités territoriales dans l’agenda de la conférence sur le climat. Il a conclu en indiquant que lors du forum Etats Unis – Afrique en décembre 2022, CGLU Afrique a plaidé pour la mise en place d’une facilité dédiée aux collectivités territoriales pour faire face aux catastrophes climatiques.
Dans son intervention, le représentant du Ministre de l’environnement a mis en exergue le modèle de gouvernance pratiqué au niveau du pays et qui combine les approches ascendantes et descendantes qui a été adopté dans le cadre de la révision de la Contribution Déterminée au Niveau National, ce qui a permis d’augmenter l’ambition et de renforcer la résilience.
Le représentant du Kenya a indiqué pour sa part que l’expérience concrète des projets de logement décent dans les quartiers informels a montré que la gouvernance multiniveau et multi-acteurs permet de mettre en place des solutions innovantes dans la planification des logements et l’amélioration du bien-être des populations.
Pour le PNUE, et afin de renforcer cette gouvernance multiniveau sur le plan africain, les Collectivités territoriales doivent être présentes là où les décisions communes en matière d’environnement sont prises, c’est à dire au niveau de l’AMCEN. CGLU Afrique a été reconnu par la conférence ministérielle comme le partenaire de mise en œuvre de ses décisions au niveau local. CGLU Afrique devra jouer un rôle clé dans l’opérationnalisation des décisions en matière d’environnement dans le continent.
Antony Nyong, Directeur, Changement climatique et croissance verte à la Banque Africaine de développement (BAD), prenant la parole au nom du Président de la Banque Africaine de Développement s’est déclaré prêt à soutenir CGLU Afrique dans l’effort de territorialisation des CDNs et l’inscrire comme acteur clé dans le cadre de mise en œuvre du Programme Africain d’Accélération de l’Adaptation (AAAP)
En conclusion de ce panel, les participants ont reconnu que :
- L’action d’adaptation au changement climatique et la gestion des risques et des catastrophes climatiques ne peut se faire que selon une approche multiniveau et multi-acteurs, en mettant en cohérence les planifications nationales et territoriales, et en faisant intervenir le secteur privé et la société civile ;
- S’appuyant sur la décision de l’AMCEN, faisant de CGLU Afrique une plateforme de mise en œuvre l’ensemble des acteurs présents ont confirmés leur engagement pour contribuer à l’opérationnalisation de cette plateforme.
Session 1 : Planification et développement pour des villes inclusives et résilientes au climat
Cette session modérée par le Secrétaire Général de CGLU Afrique, M. Jean Pierre Elong Mbassi a rappelé les axes stratégiques du cadre partenarial entre GCA et CGLU Afrique. Ce partenariat orienté action vise, à doter les villes d’une démarche permettant d’évaluer les risques climatiques adossées d’un plan territorial et d’une feuille de route sur la résilience climatique.
En effet, GCA et CGLU Afrique ont signé un protocole de partenariat en novembre 2021 pour accélérer les mesures d’adaptation et de renforcer les mesures de résilience dans les villes africaines. Pour opérationnaliser ce cadre, CGLU Afrique et GCA ont signé lors de la COP27 à Sharm EL Sheikh, un accord de financement de 1million d’euro pour développer des projets pilotes de gestion de risques climatiques et l’élaboration des plans territoriaux de résilience climatique (PCRP) fondés sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles en matière de climat, sur la base d’évaluations rapides des risques climatiques (RCRA) en vue d’identifier et hiérarchiser les menaces climatiques et les solutions.
Dans son intervention M. Manuel de Araujo, Maire de Quelimane au Mozambique a rappelé que même si l’Afrique ne représente que 3 à 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, elle subit les conséquences du dérèglement climatique de manière disproportionnée au niveau des villes et des territoires. La ville de Quelimane est un exemple à mettre en avant. Etant située en dessous du niveau de la mer, elle subit du fait de sa vulnérabilité les effets dévastateurs des cyclones et des inondations. Aussi, est-il urgent au niveau des villes africaines de proposer des solutions concrètes pour accélérer l’adaptation au changement climatique. A cet effet, le Centre Mondial pour l’Adaptation (GCA) offre des outils de profilage et d’évaluation des risques climatiques et propose des solutions via les plans territoriaux de résilience. Ces plans structurés autour des actions prioritaires sont liés ensuite à un cadre de financement pour passer de la planification à la mise en œuvre.
Le Maire de Quelimane a rappelé dans son intervention l’importance de développer et de renforcer les mécanismes d’apprentissage par les pairs notamment dans l’élaboration de plans climats territoriaux de résilience, comme indiqué par Madame Anju Sharma de GCA.
A ce sujet, il y a lieu de capitaliser sur l’expérience déjà engagée dans le cadre de la Convention des Maires pour l’Afrique Subsaharienne (CoMSSA) initiative mise en place par l’Union européenne.
Au cours de leurs interventions, la présidente de l’Association des Maires du Togo, Mme Yawa Kouigan, et le Président de l’Association des Maires du Congo et Maire de Brazzaville, M. Dieudonné Bantsimba, ont mis en avant la vulnérabilité de leurs communes et indiqué que des efforts doivent être fournis pour intégrer les collectivités locales dans la planification du climat et dans l’élaboration des contributions déterminées. Ces villes sont par ailleurs pionnières dans la mise en place d’actions de gestion de risques de catastrophe au niveau local, de luttes contre le déboisement et l’érosion.
Le représentant du Gouvernement de Côte d’Ivoire, a indiqué de son côté que 22 milliards de dollars ont été budgétisés pour l’adaptation et l’atténuation au niveau national. Au niveau local, des agendas 21 locaux seront élaborés dans les collectivités territoriales, ainsi que des plans de risques et de catastrophes. La Côte d’Ivoire prévoit la création d’une agence climat, qui va également accompagner les Collectivités territoriales dans la mise en place de leurs plans climats et de gestion des risques et des catastrophes. En termes de mobilisation financière en matière d’adaptation et de résilience, il est impératif d’adopter des outils innovants de financements tels que le marché du carbone, le partenariat Publique Privé(PPP) et le Fonds Mondial de l’Environnement et le Fonds d’Adaptation.
En conclusion de ce panel les participants ont reconnu que :
- L’évaluation rapide des risques climatiques, conduisant à l’élaboration des plans territoriaux de résilience sont des outils nécessaires pour planifier et faire face aux risques et aux catastrophes climatiques ;
- Les Collectivités territoriales ont besoin d’être capacités afin de structurer les différentes actions de résilience et de lutte contre les catastrophes et changements climatiques ;
- Les Collectivités territoriales doivent être accompagnées dans la mise en place des plans climats territoriaux de résilience, car elles ne disposent pas toujours de la ressource technique et financière ;
- Les plans climat territoriaux de résilience doivent faire partie intégrante de la planification du développement local. L’aspect environnement/climat de ces plans de développement peut être ainsi renforcé.
- Le financement des actions ou des plans est un élément central qui va permettre de passer de la planification à la mise en œuvre dans ce cadre les collectivités territoriales plaident pour un accès direct aux différents guichets et mécanismes de la finance climat ;
- La planification climatique est différente en fonction des pays, et même en fonction des villes et des territoires dans le même pays ;
- Le principe d’apprentissage par les pairs est nécessaire pour échanger sur les bonnes pratiques en matière de gestion des risques et des catastrophes.
- L’adhésion de l’ensemble des Commune au programme de la GCA et CGLU Afrique sur la gestion des risques climatiques.
Et ont appelé à :
- Encourager la subsidiarité financière, afin de mettre à la disposition des Collectivités territoriales, les plus proches des populations, les ressources nécessaires pour financer l’action publique en matière de résilience et de gestion des risques et catastrophes climatiques, y compris lors de la mise en place de cadres règlementaires pour les transactions sur le marché du carbone ;
- Mettre en place une facilité pour intervenir directement auprès des Collectivités territoriales en cas de catastrophes climatiques ;
- Donner aux Collectivités territoriales un accès direct au Fonds Vert pour le Climat et au Fonds pour l’Adaptation ;
- Mettre en place une plateforme d’apprentissage par les pairs, de telle sorte que les bonnes pratiques en matière de résilience et de gestion des risques climatiques, et en particulier l’évaluation rapide des risques climatiques et les plans climats territoriaux de résilience soient échangés et partagés.
- Initier des projets pilotes d’évaluation rapide des risques climatiques, et planification climatique de résilience au niveau territorial, et de partager les succès et leçons apprises avec les autres collectivités territoriales en Afrique
- La mutualisant des efforts des collectivités territoriales lorsque cela est possible, pour initier en intercommunalité, des évaluations rapides de risque et de catastrophe climatique et planifier les actions de résilience.
Session 2 : La gestion durable des déchets
La session a été consacrée à configurer et renforcer le cadre de gouvernance du « partenariat multi acteur pour l’élimination du brûlage à l’air libre des déchets en Afrique » et adopter un plan d’action.
M. Mbassi entant que modérateur a rappelé le mandat qui a été donné à CGLU Afrique pour faire face à la problématique de brulage des déchets à l’air libre. En effet, Le brûlage à l’air libre des déchets constitue un défi majeur dans la mesure qu’il produit du carbone qui a un impact néfaste sur l’environnement dont les émissions représentent entre 2 à 10% du bilan mondial de CO2. Comme rappelé lors de la COP27, une meilleure gestion des déchets est une condition sine qua non pour découpler la croissance et la pression sur les ressources. Cet enjeu prioritaire, qui s’inscrit dans le processus de mise en œuvre des objectifs climatiques nationaux des pays africains, nécessite le développement notamment du recyclage, levier particulièrement efficace pour réduire drastiquement la pollution et poser les bases d’une économie circulaire résiliente à l’échelle des collectivités locales africaines, qui pourrait se traduire par de multiples avantages économiques, sociaux et environnementaux. La mise en place de cette économie circulaire appelle à la mise en place de solutions urgentes et innovantes pour une gestion durable des déchets.
En ouverture de session, M. Mohamed Atani, Chef du Bureau Sous Régional, p.i, pour l’Afrique de l’Ouest, PNUE a précisé qu’il fallait opérationnaliser cette initiative en renforçant son cadre de gouvernance et en initiant une feuille de route pour sa mise en œuvre conformément à la décision prise lors de la 18eme conférence des Ministre de Dakar.
La gestion des déchets est un défi qui affecte les ressources naturelles en Afrique, il est important de transformer ces défis en opportunités. Il est donc nécessaire de réfléchir à ce qui peux être fait pour lutter contre le brûlage à l’air libre des déchets en Afrique, et quelles solutions peuvent être envisagées pour transformer ces problèmes en actions.
Dans sa présentation introductive, Madame Andriannah Mbandi, championne du Climat des Nations Unies (UNHCL) a évoqué le brûlage des déchets comme un problème commun en Afrique. Cette situation est largement répandue en raison : (i) Des multiples défaillances et manques en infrastructures de gestion des déchets ;(ii) La non-sensibilisation du public ;(iii) Les données fiables sur les quantités et la nature des déchets ;(iv) La faiblesse du cadre juridique et l’inadéquation des cadres de gouvernance de la gestion des déchets. Ainsi, relever ces défis nécessiterait des actions aux principaux niveaux d’intervention suivants, de manière intégrée :
o Attitudinal : changer la mentalité du grand public et des décideurs politiques sur la gestion des déchets et les effets néfastes du brûlage des déchets à l’air libre ;
o Institutionnel : application de la réglementation contextuelle interdisant le dépôt et l’incinération de déchets à ciel ouvert et introduction d’instruments économiques incitant à la réduction des déchets et à leur utilisation en tant que ressource secondaire (circularité) ;
o Infrastructurel : mise en place d’un ensemble d’infrastructures efficaces avec des réseaux distribués basés sur les principes de la gestion intégrée des déchets ;
o Opérationnel : mise en place des compétences opérationnelles et techniques nécessaires à la mise en œuvre d’une hiérarchie de gestion intégrée des déchets
Il est à préciser que même si la mise en œuvre intégrée des interventions proposées dans les quatre piliers ci-dessus est importante, toutes les interventions doivent être conçues et mises en œuvre dans le contexte de la réalisation d’une transformation systémique dans l’ensemble du système de consommation et de production. La promotion d’une économie circulaire par une promotion efficace de la réutilisation des déchets en tant que ressources secondaires serait un vecteur important de cette transformation.
Ainsi, le cadre de gouvernance de l’initiative pour l’élimination du brûlage à l’air libre des déchets en Afrique est constitué de divers acteurs nationaux et infranationaux tel que présenté sur la figure ci-dessous:
Les échanges suscités par cette présentation introductive, ont mis en avant qu’en Afrique, il y a une carence en matière du cadre l’égal et réglementaire pour la gestion des déchets et la responsabilité des Collectivités Locales reste la plupart des cas très limitée comme c’est le cas notamment du Bénin et de la Cote d’Ivoire qui ont transféré les prérogatives de gestion des déchets à des Sociétés ou agences nationales crées à cet effet.
A l’issu de ce débat, l’ensemble des Maires et Présidents d’Associations des collectivités territoriales présents se sont engagés à faire partie de cette initiative pour que l’objectif «zéro brûlage des déchets» soit une réalité sur le terrain. Ils ont plaidé, par ailleurs, pour qu’une implication effective des Collectivités Locales dans la gestion des déchets avec des mesures d’accompagnement en matière de renforcement de capacités ; de ressources humaines qualifiées et de ressources financières.
Dans ce cadre, Une feuille de route a été adoptée jalonnée par étapes clés suivantes:
A la clôture de la session, les participants ont :
- Validé et adhéré au cadre de gouvernance du partenariat multi acteurs pour l’élimination du brûlage à l’air libre des déchets en Afrique.
- Relevé que le cadre de collaboration, de fonctionnement et d’intégration de la plateforme restent à préciser ;
- Instruit qu’un plan d’action soit rédigé et travaillé avant les prochaines rencontres ;
- Soulevé la nécessité de travailler à l’avenir en synergie avec les différentes conventions cadres qui œuvrent sur les déchets (et sur les questions d’environnement et de climat en général), afin de gagner en efficacité et en efficience
- Retenu l’année 2040 comme horizon pour l’élimination du brûlage à l’air libre des déchets en Afrique ; tout en intégrant comme étape intermédiaire l’année 2030 qui est celle de l’atteinte des objectifs du développement durable.
- Reconnu qu’elles doivent être formés sur : (i) le montage de projets bancables, (ii) la mise en place d’outils d’aide à la décision, dans le but disposer des données sur la caractérisation des déchets et des outils de rapportage et de suivi, permettant une meilleure traçabilité dans l’utilisation des ressources (iii) trouver d’autres mécanismes de financements en dehors de ceux existant (Fonds Vert, Fonds d’adaptation) et autres mécanismes de garantie